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Assemblée générale 2025 de la FEP – rapport moral de la présidente

Communiqué
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Mesdames et Messieurs les représentants des autorités et collectivités territoriales,

Chers invités et partenaires,

Chers membres des Églises protestantes,

Chers adhérents, chers amis, venus parfois de l’autre bout de la France,

Soyez les bienvenus pour ces Journées nationales 2025 de la Fédération de l’Entraide Protestante ! Merci d’être présents : c’est une grande joie de vous accueillir ici, au Lazaret, pour ce moment fort de notre vie fédérative.

Vous avez mis du temps de côté pour participer à ces Journées nationales, dès ce matin, alors que vous êtes par ailleurs chargés et parfois surchargés de travail, nous en sommes profondément reconnaissants. Vous êtes venus de toutes les régions de France, pour certains arrivant déjà hier soir. Nous allons ouvrir cette rencontre par notre assemblée générale statutaire, qui nous permet de faire le point sur l’année écoulée. Et durant les deux journées que nous allons passer ensemble, nous allons également prendre du recul, nous projeter vers l’avenir et poser les fondations de notre projet fédératif.

Mais commençons par revenir sur 2024, qui fut une année éprouvante à bien des égards.

Sur le plan international, les tensions et les drames se sont multipliés : en Ukraine, à Gaza, mais aussi dans de nombreux pays d’Afrique, en Afghanistan, en Amérique centrale. La démocratie a été attaquée, y compris dans des pays qui nous semblaient en être des garants. La "géopolitique du chaos" semble s’imposer, la remilitarisation devient une priorité, reléguant au second plan l’urgence sociale et écologique qui, elle, s’aggrave.

Partout dans le monde, des hommes, des femmes, des enfants fuient leur pays. Fin 2024, selon l’ONU, on comptait 120 millions de personnes déplacées de force : trois fois plus qu’en 2012. Ce chiffre accablant est le symptôme d’un monde en profond déséquilibre. Et pourtant, le défi migratoire est nié, voire rejeté, par nombre de gouvernements dans un mouvement général de fermeture des frontières. En France, la dissolution de l’Assemblée nationale a provoqué une paralysie politique durant plusieurs mois et le poids croissant de la dette de l’État et des collectivités préfigure une baisse inexorable des subventions publiques. La précarité progresse, les inégalités se creusent, et la peur de l’avenir nourrit le repli sur soi. Le racisme, l’antisémitisme et toutes les formes de rejet de l’autre se répandent et sont publiquement assumées.

Cette situation pèse lourdement sur les plus vulnérables : les personnes sans logement, sans papiers, sans réseau, sans voix. Et les principes mêmes qui fondent notre action sont parfois foulés aux pieds.

 

Dans ce contexte, la tentation est grande de céder au découragement. Mais, fidèle à sa vocation d’engagement et de refus de la fatalité, la Fédération de l’Entraide Protestante, avec ses membres et partenaires, a choisi une autre voie. Celle de la fraternité, de la justice, et de la dignité humaine. Une voie portée par les quatre mots qui nous guideront tout au long de ces Journées :  Espérer, Oser, Construire, ENSEMBLE.

 

ESPÉRER : En 2024, nous avons enraciné notre action dans l’espérance.

Cette espérance qui nous rassemble aujourd’hui est le trait d’union entre nos organisations. Toutes ont été fondées à partir du message d’amour de l’Evangile, en réponse à une conviction et un appel qui nous dépassent, un appel à se tenir aux côtés des plus fragiles et à soulager leur souffrance. Cette espérance n’est pas une posture naïve ou passive, mais une énergie vivante qui s’incarne et se nourrit dans notre lien fédératif.  C’est elle qui fonde et qui irrigue notre réseau et nos engagements.

En 2024, cette espérance s’est illustrée de multiples manières.

  • Dès janvier, par le souffle apporté à son arrivée par notre nouveau délégué général, et ensuite avec le renforcement de l’équipe fédérale à la communication et dans la région Nord Normandie Ile de France.
  • Également par le travail de réflexion et d’animation spirituelles auprès de nombreux membres, à l’écoute des questionnements au cœur de l’action sociale.
  • La Boussole, diffusée chaque semaine pour la 5e année, a poursuivi son chemin.
  • Le deuxième Livre Boussole a été publié, que vous pourrez retrouver au stand de la librairie.
  • Les Cercles, les Entraides en ligne, le Séminaire des Capitaines organisé pour les grandes structures : autant d’occasions de se retrouver, d’échanger et de se nourrir mutuellement.
  • Le Prix Charles Gide a été attribué à 14 projets engagés particulièrement pour la place des femmes dans l’action sociale : encore une belle manière de faire vivre concrètement l’espérance.

 

L’espérance est une expérience qui illumine et transforme notre vie. Lors d’un événement européen organisé par la FEP à Paris en avril dernier, nous avons fait la connaissance de Nicole Bursik. Nicole travaille dans une association protestante d’accueil d’urgence, met elle vit à Odessa, en Ukraine. Elle a évoqué son quotidien, les bombardements, les proches disparus, les conditions de vie effroyables. Elle nous a parlé de ce jeune couple actif dans l’association, dont la maman et le bébé ont été tués par une bombe, laissant seuls le papa et leur petit garçon… Et pourtant, elle a tenu à nous parler d’espérance.

C’était inattendu et très émouvant. Elle nous a confié les trois ressources sur lesquelles ils s’appuient pour continuer d’espérer malgré les circonstances. Nikole a cité la joie, puis la bienveillance et enfin la prière. Et elle nous a encouragés à les cultiver précieusement car ils sont des vecteurs d’espérance, à notre portée.  Et j’ai eu envie de partager cette rencontre avec vous ce matin.

Espérer nous permet d’OSER.  OSER, c’est le deuxième verbe de notre devise pour ces 2 jours.

OSER, C’est répondre à l’appel reçu, avec audace et détermination.

Ce n’est pas provoquer, mais avancer malgré les freins, malgré les peurs.

Il y a là l’expression d’une tension au cœur de notre vie, d’un appel à discerner la ligne de crête entre l’éthique de responsabilité qui nous ancre dans le réel et l’éthique de conviction qui nous pousse à rester fidèles. OSER, c’est faire entendre une voix différente, au nom de notre foi et de la dignité humaine, c’est alerter, comme le théologien Jacques Ellul, qui inlassablement anticipait les dérives de notre société technicienne qui efface l’homme au profit de la machine.

Oser, pour la FEP, c’est dire non à l’injustice et à l’indifférence. Et oui à l’humain.

En 2024, dans un contexte politique de plus en plus fermé, la FEP a osé :

  • Poursuivre les Couloirs humanitaires et accueillir de nouvelles familles venues de Syrie.
  • Se lancer dans l’élargissement de l’expérimentation EN ACT sur un nouveau territoire, pour la régularisation par le travail des personnes sans titre de séjour.
  • Finaliser un guide sur l’accueil des personnes musulmanes dans nos institutions, fruit d’un travail de recherche mené avec le sociologue Vincent Goulet.
  • Organiser une journée nationale d’étude sur le parcours des mineurs isolés.
  • Et bien sûr, la Fédération a pris la parole, rédigé ou co-signé des tribunes dans les médias, manifesté aux côtés de ses membres et partenaires, rencontré les pouvoirs publics sur de nombreux sujets : pauvreté, logement, accueil de l’étranger, enfance protégée, fin de vie.

OSER, c’est le préalable à toute construction, car rien de novateur, ni de solide ne se construit sans une part d’audace et de risque.

Il y a 50 ans, Romain Gary écrivait dans son roman Charge d’âme : « Il faut toujours connaître les limites du possible. Pas pour s'arrêter, mais pour tenter l'impossible dans les meilleures conditions. » Cette phrase peut nous inspirer encore aujourd’hui : il s’agit d’allier conscience de la réalité et confiance dans l’avenir, pour un objectif donné. Et cela fait la transition avec notre 3e verbe : CONSTRUIRE.

 

CONSTRUIRE, c’est la vocation de la diaconie, qui est au service des plus vulnérables, pour accueillir, agir et bâtir.

Vous, nos membres présents ce matin, vous construisez tous les jours : dans les centres d’hébergement, les accueils de jour, les maisons d’enfants, dans les établissements pour personnes âgées, malades, en situation de handicap ou de précarité. Vous construisez une société plus humaine, plus juste et plus solidaire, vous accueillez et soignez pour permettre à chacun de bâtir son futur, à toutes les étapes de sa vie. Au cœur de vos missions et de vos projets d’établissements, c’est la relation à l’autre qui est centrale, qui donne du sens à votre action.

Cette relation se construit, dans les deux sens, comme le signifie le mot d’ENTRAIDE qui est central pour notre Fédération. À votre service, la Fédération d’Entraide Protestante construit du lien, des événements porteurs de sens, des expérimentations innovantes, des outils pour vous accompagner et vous soutenir.

En 2024, nous avons par exemple :

  • Réactivé le Carrefour de l’engagement protestant pour la diffusion de vos offres d’emplois salariés ou bénévoles.
  • Proposé des webinaires pour développer le bénévolat.
  • Déployé le programme "Mieux Manger pour tous" pour renforcer l’aide alimentaire.
  • Élargi et restructuré le catalogue des formations pour les bénévoles.
  • Encouragé et accompagné la création de nouvelles associations d’entraides dans les paroisses.
  • Organisé le premier concert philanthropique pour soutenir la FEP.

 

Pour CONSTRUIRE, il faut ESPERER et OSER mais il faut également prendre le temps de la réflexion et de l’organisation.

Jésus lui-même le rappelle dans l’Evangile de Luc 14, 28 – 32 :    28En effet, si l’un de vous veut construire une tour, il s’assied d’abord pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi la terminer. 29Autrement, si après avoir posé les fondations il ne peut pas la terminer, tous ceux qui le verront se mettront à se moquer de lui 30en disant : ‘Cet homme a commencé à construire, et il n’a pas pu finir.

De manière un peu inattendue, Jésus se positionne en bâtisseur et manageur responsable, nous encourageant à adopter une méthodologie de projet : pour construire, il faut commencer par s’assoir, par réfléchir, identifier des moyens, des ressources humaines, financières, spirituelles.  Or, nous sommes conscients que ces ressources deviennent un sujet de préoccupation pour beaucoup d’entre vous, qu’il est souvent de plus en plus difficile de recruter, que les financements sont en baisse et que certains professionnels perdent le sens de leur travail et changent de métier.  La FEP travaille sur tous ces sujets, qui sont les vôtres.

Et nous aurons l’occasion d’en parler, dans les ateliers qui seront proposés tout au long de ces deux Journées afin de construire nos orientations stratégiques 2026-2030, et de les construire ENSEMBLE.

ENSEMBLE :

C’est le dernier mot de notre devise pour ces Journées Nationales, c’est un mot-clé, mais un mot qui parfois ne tient plus qu’à un fil.

Aujourd’hui, agir ensemble au service du bien commun, devient un défi. Nous le constatons avec inquiétude, le sens du collectif est remis en question. Le culte de l’individualisme, la défiance vis à vis des institutions, les crispations identitaires vident certains mots de leur sens, des mots qui nous sont chers, comme solidarité, fraternité, société inclusive, intérêt général, qui se retrouvent trahis par ceux qui les détournent ou qui les foulent aux pieds.

C’est une réalité, mais ce n’est pas une fatalité.

 

C’est même un encouragement à aller de l’avant, convaincus que notre mission est plus pertinente que jamais. C’est un défi pour nous, qui sommes si divers, par nos origines géographiques et théologiques, nos métiers, la taille de nos organisations… mais c’est un défi stimulant, un appel à redécouvrir notre inspiration commune et à nous enrichir de nos différences.

Nous allons devoir être créatifs et audacieux pour continuer d’affirmer le sens du bien commun, l’importance du dialogue, la conviction que chaque existence est unique et a du prix aux yeux de Dieu.

Plus que jamais, nous sommes appelés à le faire ENSEMBLE, c’est la raison d’être de notre fédération.

Merci de votre engagement. Merci de votre présence.

Merci d’espérer, d’oser, de construire, ENSEMBLE.

 

Isabelle Richard

Présidente de la Fédération de l'Entraide Protestante