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Un masque, une vie à Champigny

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Tout est parti d’un coréen, lui-même adopté par une famille française, qui a décidé d’investir dans du tissu, des élastiques et du fil pour faire des masques dans une opération solidaire avec un triple objectif :

- Fournir des masques lavables à ceux qui en auraient inévitablement besoin et le faire à très bas prix. « La pénurie de masques papier était prévisible», dit-il (on est alors le 15 mars). Objectif de dons escomptés : 2,5€, par masque lavable, plus les dons spontanés
- Fournir une aide aux réfugiés capables de coudre et dont les revenus sont insuffisants ou inexistants. Préfecture fermée, arrêt des démarches administratives et de la délivrance des documents indispensables pour obtenir les aides auxquelles ils ont droit…
- Donner l’éventuel excédent financier à la Fondation de France pour les soignants.

Au démarrage, il n’avait encore ni couturier, ni couturière, ni association. Mais il n’a pas eu froid aux yeux : il a acheté 10 km d’élastique, et autant de tissu qu’il a pu !

Notre collectif lui a alors proposé que nos amis syriens, manifestement compétents en matière de couture, soient sollicités. Affaire conclue avec deux familles que le collectif de « Veille pour les Réfugiés » équipe en machines à coudre à leur domicile. Il fallait ensuite une association qui permette de recevoir les dons. Ce fut l’affaire de l’association d’entraide de notre paroisse, Graine de Sénevé, qui héberge financièrement l’opération en attendant que l’association dédiée voit le jour. Enfin, il fallait des locaux pour emballer les masques par paquets de 4, mettre un mode d’emploi… Nos locaux paroissiaux désertés pour cause de confinement ont trouvé une nouvelle utilité.

Bien sûr les matières premières sont fournies par des descendants d’immigrés turcs et l’un d’entre eux assure la découpe gratuite des m2 de tissu. Nous avons eu la chance de pouvoir aussi nous appuyer sur une descendante de l’immigration russe. Elle a travaillé dans la haute couture, et a assuré le contrôle de qualité des matières premières et des productions. Et elle fut intraitable, y compris pour nos couturier(e)s syrien(ne)s. Ce n’est pas parce que c’est une production « amateur » que les élastiques doivent se détacher, les mensurations ne pas être respectées, et le modèle AFNOR non appliqué. De ce fait nos masques s’arrachent, et ce n’est pas une question de montant des dons associés ou non à la fourniture, mais bien de confort à l’utilisation…

Enfin, les commandes, la livraison et la collecte des dons sont assurés par quelques membres du collectif, et par les membres de Champigny Alternance, une association pour l’alternance à la mairie de la ville, dont les membres sont par ailleurs fortement engagés dans des actions de solidarité : distribution de masques en papier, de paniers repas… Là encore une des chevilles ouvrières leader est un descendant de l’immigration africaine…

Entretemps, il a fallu trouver les pièces de rechange pour nos vieilles machines à bout de souffle : aiguilles, courroies et autre huile pour rafraîchir nos antiques machines d’amateur auxquelles était assignée la tâche d’assembler quelques milliers de masques… heureusement les magasins dédiés et locaux ne nous ont pas lâchés. La production à ce jour est de l’ordre de 2500 masques, mais les commandes continuent d’affluer.

Last but not least, notre ami initiateur de l’opération a ajouté à sa gamme la production de visières, encore plus confortables que les masques pour les commerçants, les soignants…. Ancien élève des Arts et Métiers, il a pris langue avec son ancienne école qui s’est lancée dans la production de serre-têtes en plastique obtenus par imprimante 3D, puis plus classiquement par injection. Restait à y fixer le plexiglas : des feuilles de plastique A4 que nous avons percées. Là encore l’opération s’est déroulée dans nos locaux paroissiaux, en respectant tous les gestes barrières s’il vous plaît - vive les locaux un peu spacieux… Et la distribution majoritairement gratuite ou associée à des dons a été assurée par la même équipe.

Voilà, je crois que tous les réfugiés ou immigrés et leurs familles engagés dans l’opération méritent notre reconnaissance et justifient largement notre analyse : oui, sans ceux que nous avons cru être nos « protégés » ou nos « immigrés », nous ne serions parvenus à rien. Grâce à eux, la vie de quelques milliers de campinois redevient possible à l’extérieur. Et, oui, cette expérience commune nous fait un grand plaisir.

A quelque chose COVID est bon !

Bernard Raynaud, collectif « Veille des Réfugiés », l’association « 1 Masque 1 Vie » et l’association d’entraide « Graine de Sénevé »