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Vous avez dit : « diaconie » ?

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foot bath in a wooden bowl preparing for reflexology

Si le mot diaconie est fréquent en allemand, il n’est guère compréhensible pour beaucoup de Français. Et l’on peut se demander pourquoi les chrétiens jugent utile de continuer à l’utiliser – au risque d’être mal compris – au lieu de parler comme tout le monde de « service » ou d’ « entraide ».

Il est utile, pour mieux comprendre les accents dont ce terme est porteur, de revenir à son usage dans le nouveau testament, en passant d’abord par le monde gréco-romain.  Diaconia, en grec classique, désignait un service, public ou privé, le plus souvent le service des tables. Un diakonos était un serviteur chargé de servir à la table du maître, et il s’agissait fréquemment d’un esclave ; c’était plutôt un esclave de confiance – car on ne laisse pas n’importe qui toucher à la nourriture que l’on va manger - et il pouvait aussi se voir confier un rôle de messager, ou même représenter son maître dans certaines situations. Il n’en reste pas moins que son activité n’était guère considérée ; il fallait des serviteurs pour décharger les maîtres et leur permettre de s’occuper de ce qui comptait vraiment : la vie de la cité, l’action politique. On trouve chez Platon des formules qui disent bien le peu de considération qu’il portait à la diaconia, par exemple : « Dominer est digne d’un homme et non servir (diaconein) ».

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Qui est le plus grand

Si l’on en croit les évangiles, Jésus a au contraire fortement valorisé la notion de service. C’est même en ces termes qu’il définit sa mission. Dans l’Evangile de Luc, alors que les disciples se disputent pour savoir qui d’entre eux devait être considéré comme le plus grand, Jésus les interroge : « qui est le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Et moi, cependant, je suis au milieu de vous à la place de celui qui sert ». Au passage dans cette conversation, il égratigne ces rois qui tyrannisent les peuples et qui voudraient en plus qu’on les regarde comme des bienfaiteurs ! Rappelons que cette affirmation de Jésus – comme les autres similaires dans les autres Evangiles – est placée dans le contexte de la Passion. Chez Luc, le texte cité vient juste avant son arrestation, alors que Jésus vient de célébrer la Cène avec ses disciples, en leur ordonnant de faire ceci en mémoire de lui après sa mort. La plus grande diaconia opérée par Jésus est d’accepter d’aller jusqu’à la mort, pour défendre sa compréhension d’un Dieu miséricordieux.

Se faire serviteur les uns des autres

On peut d’ailleurs rappeler que l’Evangile de Jean, qui est le p

lus tardif, a choisi de remplacer le récit de la Cène par celui du lavement des pieds. J’y vois pour ma part comme un avertissement, au moment où sans doute apparaissaient dans l’Eglise primitive des conflits de pouvoir pour savoir qui avait le droit de célébrer l’eucharistie ; ce choix serait pour l’auteur de l’Evangile Jean une façon de dire à ses lecteurs : « si vous vous battez pour savoir qui a le droit de présider l’eucharistie, c’est que vous n’y avez rien compris ; car l’eucharistie ne peut pas être une question de pouvoir, il s’agit au contraire de se faire serviteur les uns des autres comme je le fais en vous lavant les pieds. » C’est dire que c’est un véritable renversement des hiérarchies des hiérarchies admises que Jésus opère là. La vraie autorité n’est pas là où on le croyait, elle est dans le service librement consenti. Aujourd’hui, où en sommes-nous ? On peut se demander si nous n’avons pas quelquefois trop intégré le renversement des hiérarchies opéré par le message de Jésus – au risque de servir pour être le plus grand, pour prendre du pouvoir sur l’autre ! C’est dire que le message est toujours à méditer…

Isabelle Grellier,
Faculté de Théologie de Strasbourg