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Projet de loi sur l’immigration : Dans quelle France allons-nous nous réveiller demain ?

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TRIBUNE

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Alors que les débats débuteront lundi 11 décembre à l’Assemblée, un collectif de responsables d’associations, parmi lesquelles Emmaüs France ou La Cimade, alerte, dans une tribune au « Monde », sur le modèle que le projet de loi dessine pour notre société. Et appelle les parlementaires à un « sursaut de responsabilité et d’humanité ».

Nos organisations sont engagées sur tous les fronts des solidarités et de la santé. Acteurs d’une société du « prendre soin », nous mettons en œuvre les politiques publiques de l’Etat et des collectivités territoriales et sommes reconnus pour ce que nous entreprenons au quotidien auprès des personnes vulnérables.

Ce mandat nous conduit également à nous exprimer afin de contribuer à orienter l’action publique, présente ou à venir. Aujourd’hui, nous devons dire notre stupéfaction, et même notre indignation, face au projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » voté par le Sénat et qui sera prochainement examiné par les députés.

Nous ne pouvons rester silencieux devant les propos de stigmatisation des étrangers, devant les fantasmes d’invasion démentis par les statistiques et les études sociologiques, devant les dispositions délétères et inconstitutionnelles figurant dans ce texte. Nous ne pouvons qu’exprimer notre profonde inquiétude devant le modèle de société qu’ils dessinent pour nos enfants et petits-enfants.

Pour l’inconditionnalité des droits des personnes

 

Enracinés dans les valeurs qui nous portent, attachés aux principes du droit, mais aussi par réalisme, nous appelons les parlementaires et, à travers eux, l’ensemble du pays à un sursaut de responsabilité et d’humanité. Notre engagement quotidien s’inscrit dans une éthique de conviction qui place le respect et la dignité de la personne au cœur de nos actions.

La fraternité n’est pas un mot galvaudé ou qui doit être oublié sur les frontons de nos mairies. Elle est le ciment de notre vie en commun. Nos motivations individuelles et collectives s’appuient sur l’inconditionnalité des droits fondamentaux des personnes, valeurs portées par la France depuis plus de deux siècles.

L’expertise de tous nos membres, tirée de leur pratique sur le terrain, nous permet d’affirmer que mieux on accueille et on accompagne, meilleure est l’intégration sociale des étrangers vivant sur notre sol. Tout en étant conscients de la complexité de notre monde et des dérives possibles, rappelons-nous que la France est, depuis toujours, une terre d’immigration.

Un besoin de ressources humaines supplémentaires

 

Souvenons-nous que, pendant la période la plus dure de la pandémie, ce sont pour beaucoup des étrangers, dans différents métiers, qui ont permis à notre pays de continuer de vivre. Reconnaissons que ce sont bien souvent des femmes étrangères qui s’occupent de nos aînés ou de nos jeunes enfants.

Ayons la lucidité d’affirmer que notre pays a besoin de ressources humaines supplémentaires face au mur démographique de l’allongement de la durée de vie, sauf à accepter que de nombreuses personnes en perte ou en manque d’autonomie ne soient plus accompagnées.

Regardons de face cette situation de tant de salariés qui sont en situation irrégulière alors qu’ils et elles travaillent déjà et contribuent à la richesse nationale. Est-ce souhaitable ? Est-ce digne ? Et qui peut nier que l’engorgement de nos structures d’hébergement d’urgence ne trouvera de solution viable qu’avec le courage de la régularisation de situations par ailleurs insolubles ?

Rejeter la peur et le repli sur soi

 

Nous pouvons aussi témoigner des élans de solidarité et du changement de regard sur l’étranger que nos associations et collectifs citoyens expérimentent au quotidien. Ces visages, ces amitiés nouées, ces parcours de vie courageux, ces réussites exemplaires, tant d’exemples qui nous confortent et nous exhortent à rejeter la peur et le repli sur soi.

Dans quelle France allons-nous nous réveiller demain ? La Constitution sera-t-elle modifiée pour permettre ce qui est impensable aujourd’hui ? Aurons-nous un énième projet de loi pour réintroduire ce qui serait ôté de celui-ci ?

A force de courir derrière l’actualité dans ce qu’elle a de plus tragique, notre nation oublie ses fondamentaux et n’offre plus à nos concitoyens d’horizon collectif porteur de communauté de destin. Notre pays et les générations futures méritent mieux que cela !

Les signataires de la tribune :

Bernard Basset, président d’Addictions France ; Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) ; Véronique Devise, présidente du Secours catholique ; Daniel Goldberg, président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss) ; Henry Masson, président de La Cimade ; Pascale Ribes, présidente d’APF France Handicap ; Isabelle Richard, présidente de la Fédération de l’entraide protestante ; Antoine Sueur, président d’Emmaüs France.