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Faut-il avoir peur de l’immigration ?

Accueil de l’étranger
Cécile Clement (à gauche) avec une famille syrienne accueillie par le comité de Valdahon : Masaa et Mohamad, les parents ; Islam et Raghda, deux de leurs enfants. À droite, Shéhérazade, une voisine qui traduit, et Robert, bénévole du collectif.

La réponse de François Gemenne, invité par le *collectif migrant du plateau de Valdahon, est sans ambiguïté. Il faut en finir avec les fantasmes, les mensonges et les polémiques stériles. L’immigration est un phénomène naturel qui a toujours existé, nous ne vivons pas dans un monde statique !

 

Devant une salle de cinéma bondée, François Gemenne a tenu son public en haleine pendant presque deux heures, saluant d’emblée « les trésors d’hospitalité et de solidarité » à l’œuvre dans de nombreuses communes de France, comme autant de belles réponses aux propos haineux et xénophobes.

François Gemenne est chercheur à l’Université de Liège et enseignant à Sciences Po Paris. Il a tenu un discours parfois dur à entendre, sans concession, mais toujours argumenté et pétri d’altruisme. Il n’y a pas eux, les migrants, et nous, les Français : nous faisons partie de la même humanité.

L’immigration n’est pas une anomalie

 

L’orateur nous a invités à déconstruire le concept de crise migratoire. C’est parce que nous pensons « crise migratoire » que nous fermons nos frontières, et c’est cette fermeture qui provoque la crise. Les images de détresse surmédiatisées renforcent l’idée qu’il y a une crise des réfugiés. Plus nous sommes convaincus de l’existence de cette crise, plus nous ressentons ce besoin de nous en protéger.
Faut-il fermer les frontières ? Le degré de fermeture des frontières fixe-t-il les flux migratoires ? Non, répond sans hésitation François Gemenne. Ce sont des facteurs exogènes qui les régulent : les guerres, les dictatures, les conséquences du réchauffement climatique et, surtout, les inégalités de développement, de revenus, de liberté. L’histoire a montré qu’une frontière fermée n’empêche pas l’immigration mais la rend plus dangereuse. Le chercheur déplore l’absence d’un projet européen commun pour l’accueil des migrants. Alors, que faire ?

L’immigration est à organiser. Elle n’est pas une anomalie mais une transformation de notre société. La solution pour gérer les flux migratoires, c’est de sécuriser le passage des frontières en organisant des voies d’accès légales et sûres ; d’offrir la possibilité pour les migrants de venir en France avec un visa, un billet de train ou d’avion sans avoir recours aux passeurs, qui s’enrichissent à leurs dépens, et sans risquer leur vie ; de créer une agence européenne de l’asile pour harmoniser les conditions d’accueil. C’est aussi d’organiser une vraie solidarité entre États et ne pas laisser les pays du sud de l’Europe seuls face au flux massif de nouveaux arrivants.

Il faut faire connaître l’accueil citoyen

 

François Gemenne est convaincu qu’il faut faire connaître l’accueil citoyen. Partout sur le territoire, des initiatives sont prises pour venir en aide aux migrants ; des collectifs se créent, des familles sont accueillies… L’immigration ne peut se résumer à des statistiques. Derrière les chiffres, il y a des hommes et des femmes, Houzeifa et Hassan, Zamir et Gladiola, Georges, Masaa et Mohamad. Le statut définit une étape de leur vie, mais ne dit rien de leur identité, de leur personne, de leur singularité. Accueillir fait naître d’autres élans d’accueil, il faut diffuser les récits d’hospitalité pour les intégrer au débat politique, l’enjeu est essentiel.

Cécile Clement, assistante de service social chargée du suivi de l’action Accueil des réfugiés, FEP Grand Est et L’Étage.

*Le collectif migrant du plateau du Valdahon a été créé en 2015 pour prendre part à l’accueil des personnes demandeuses d’asile en France. Composé de bénévoles issus de paroisses, d’Églises ou de la commune, le collectif héberge actuellement deux familles qu’il accompagne dans toutes leurs démarches. Très actif dans le Doubs, il a déjà accueilli près d’une centaine de personnes et quatre familles dans le cadre des Couloirs humanitaires, avec le soutien de la FEP, du Secours catholique et de la pastorale des migrants.

Retrouvez cet article dans la revue Proteste 170.

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