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Luther, la Réforme, l’exil et l’accueil de l’étranger

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Rigonce, Slovenia - October 26, 2015: Refugee group arrived from Croatia near Rigonce is transferred through the fields to the nearby refugee camp. The group of about 4.000 persons is composed mainly of syrian and iraqi families and afghan and iranian young adults.

L’histoire du protestantisme se télescope avec l’actualité d’aujourd’hui. Au moment de l’anniversaire des thèses de Luther, comment ne pas faire un parallèle et agir en conséquence ?

Implantée en France dès le début du XVIe siècle, la Réforme s’installe dans le pays dans un climat marqué tragiquement de guerres, massacres, instabilité politique et persécutions. L’émigration apparue alors, à bon nombre de protestants français, comme la seule alternative afin de demeurer dans la « vraie religion ». Ainsi, un quart des protestants ont fui vers « le Refuge »[1], terme couramment utilisé pour désigner l'ensemble des pays qui ont accueilli les réformés français en exil. Cette émigration fut continue entre 1560 et 1760. Lorsque le roi Louis XIV décida de révoquer l’Edit de Nantes, 200 000 Huguenots[2] préférèrent prendre le chemin de l’exil plutôt que de se convertir. L’interdiction formelle d’émigrer les força à s’expatrier dans les plus grandes difficultés. Ils voyagèrent de nuit et se cachèrent le jour, ayant recours à des passeurs. Leur destination fut les principaux territoires protestants européens (iles britanniques, Provinces Unies,… ) Ces hommes, ces femmes vécurent alors l’arrachement qui naît d’un exil forcé.

Un accueil chaleureux pour les Huguenots

Les provinces, les villes étrangères européennes accueillaient volontiers cette population huguenote souvent bien formée et d'un bon niveau intellectuel. Dans les principaux pays du Refuge, des mesures étaient prises afin d’en faciliter leur installation. Les exilés huguenots étaient alors assistés sur le plan financier et matériel. A Genève, par exemple, une « bourse française », avait été instaurée dès le XVe siècle, à travers un système de collecte et permettait d’assurer une aide aux réfugiés. Les conditions d’accueil étaient généralement très favorables, surtout aux Pays-Bas, surnommées la « Grande arche du Refuge ». Les Provinces-Unies en effet ayant accueilli entre 50 000 et 70 000 fugitifs ! Ces aides accordées ont parfois attisé la jalousie.

Rigonce, Slovenia - October 26, 2015: Refugee group arrived from Croatia near Rigonce is transferred through the fields to the nearby refugee camp. The group of about 4.000 persons is composed mainly of syrian and iraqi families and afghan and iranian young adults.

Une chance économique pour les terres d’accueil

L’accueil généreux des huguenots, n’était pas totalement désintéressé. D’une manière générale, ces victimes de la persécution religieuse, apportaient de nouveaux métiers. Par exemple, au sortir de la Guerre de Trente ans (1618-1648), les provinces allemandes dévastées avaient perdu la moitié de leur population. Les protestants français venaient ainsi combler, en partie, ce déficit démographique, mais pas seulement ! Nombre d’exilés, sachant lire, appartenaient à une élite entreprenante (physiciens, chimistes, imprimeurs, ingénieurs, entrepreneurs... ) qui a su impulsé un fort élan intellectuel, économique et militaire, contribuant ainsi à la prospérité économique et financière de leurs pays d’accueil.

Et aujourd’hui ?

De nos jours, nombre de citoyens, de responsables politiques même, dénoncent l’afflux de réfugiés ou de migrants comme une « invasion » impossible à assumer en période de crise. Aides sociales, afflux de migrants, «laxisme», sont des arguments-prétextes facilement utilisés pour refuser l’accueil, arrêter ou limiter des arrivées ou rejeter la présence d'étrangers sur le sol français. Quant à la France, elle annonce des accueils en termes de quotas. On est loin de ce qui s’est passé dans les années 1680 à Genève, qui a plus que doublé sa population avec l’immigration protestante, comme Berlin d’ailleurs.  En France, nombreux sont ceux qui ressentent un malaise profond envers les demandeurs d’asile qui

frappent à la porte alors même que ces derniers n’ont guère d’autre choix que l’exil et la recherche d’un asile. Voyageant la nuit et se cachant le jour, ils espèrent échapper à la surveillance rigoureuse des frontières. Au péril de leur vie ou au risque de finir dans des camps, à la rue, des milliers de migrants décident de braver les obstacles et de rejoindre la France.

L’histoire du protestantisme se télescope avec l’actualité d’aujourd’hui. Nous, protestants, qui nous fondons avant tout sur l’évangile ;  nous, protestants, qui avons été accueillis : comment oserions-nous refuser d’accueillir l’étranger, l’exilé, le persécuté ?

 

Anne Marie Cauzid,
Présidente de la commission Accueil de l’étranger de la FEP

 

[1] Myriam Yardeni, Le Refuge protestant, Paris, Presses Universitaires de France, coll. L’historien, Paris, 1985

[2] Sur les 800 000 que comptait alors la France peuplée de 19 millions d'habitants



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