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CVS en EHPAD : leurre, utopie ou véritable lieu de démocratie ?

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La prise en compte de la vie sociale des résidents semble aujourd’hui intégrée dans les projets d’établissement de la très grande majorité des EHPAD. Toutefois, il est sans doute temps d’aller plus loin et de tendre vers ce qui paraît encore une utopie : considérer les personnes âgées comme des acteurs à part entière de la vie de la résidence capables de faire des choix pour leur vie et l’établissement. Le Conseil de la vie sociale (CVS) a été conçu dans cet esprit : faire participer les résidents et leur famille aux décisions.

 

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Le premier point troublant lorsque l’on se penche sur la question des Conseil de la vie sociale (CVS) est l’absence d’étude ou de données. Impossible de savoir combien de présidents de CVS sont des résidents. D’autre part, si le CVS existe dans la plupart des établissements, il a parfois du mal à se réunir trois fois par an comme le prévoit le Code de l’action sociale et des familles(1). Dans les faits, les CVS ne sont que rarement des structures réellement représentatives de la voix des résidents au sein des EHPAD. L’enquête DREES(2) pointe que lorsqu’un résident rencontre un problème, il s’adresse dans 60 % des cas au personnel de l’établissement, dans 20% à la famille et seulement dans 2 % au CVS. Le Conseil de la vie sociale n’est pas identifié par la grande majorité des résidents comme le lieu de remontée des avis et propositions des usagers. Enfin, le fonctionnement du CVS est, de tous les documents et instances, le moins communiqué, beaucoup moins par exemple que le règlement intérieur.

 

Les CVS : des conseils « alibis » ?

Au-delà du signalement des problèmes, le CVS devrait, en principe, surtout être mis en place pour une réelle participation des résidents à la vie de l’établissement. Mais des limites et difficultés à cette effectivité des CVS sont pointées dans l’enquête réalisée en 2006 par Agevillage. Les principaux obstacles rencontrés étaient le manque d’information des personnes et des familles sur les compétences du CVS, sur les différents statuts des établissements (publics, privés) et les obligations qui en découlent vis-à-vis de sa mise en place ; la difficulté à trouver le nombre de représentants et de suppléants requis par la loi ; les réticences des personnes à s’engager (crainte des représailles) ou des familles (qui ont déjà trop « donné »), la compétence des représentants à qui l’exercice de la démocratie n’est pas nécessairement familier ; la fragilité de la représentation compte tenu des incapacités des personnes représentées ; la difficulté d’exercer un droit pour des générations ni accoutumées ni formées à la prise de parole ; la distinction à opérer entre la parole des personnes âgées et la parole des familles.

Certains membres de CVS ont le sentiment de conseils de la vie sociale « alibis »… Mais pour ces obstacles bien réels existent des solutions, des adaptations. Serait-ce que ces obstacles deviennent des prétextes pour ne pas essayer de libérer la parole ?

 

Tenir réellement compte de la parole des résidents

Il est cependant possible d’associer les résidents aux vrais choix de l’établissement. Le chemin est long et passe par de très nombreuses étapes : convaincre les conseils d’administration que l’on peut faire mieux dans leur EHPAD, convaincre les directeurs qu’ils peuvent faire des résidents de vrais partenaires, convaincre le personnel que même diminuées les personnes âgées ont une capacité de décisions et de propositions, convaincre les résidents qu’ils en sont capables. Il faudra ensuite informer et former les résidents, organiser des lieux de parole et d’écoute en séparant lieux pour les résidents et lieux pour les familles, s’assurer de la mise en oeuvre réelle de solutions à leurs demandes… Bref, il s’agit d’une modification des pratiques et d’une obligation de transparence totale. Beaucoup ont commencé ce travail. Mais ce n’est qu’à plusieurs et en partageant les expériences et les idées que l’on pourra avancer. C’est dans ce but que la Fédération de l’Entraide Protestante s’engage résolument dans le projet d’accompagner les EHPAD souhaitant travailler sur la place des résidents dans la gestion de la vie quotidienne des établissements et dans la libération de leur parole. Faire des résidents de véritables acteurs et partenaires au sein de l’EHPAD est notre objectif.
  

Benoît Lavallart,
Membre de la commission d’élaboration du Plan Alzheimer, ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports.
 
(1) Rapport DGCCRF 2013
(2) Source: DREES. La vie en EHPAD du point de vue des résidents et de leurs proches. Dossiers solidarité et santé, 2011, n°18, 75 p., p 39-40.