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Le don de la veuve*: éprouver l’essentiel

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Jésus est devant le Temple de Jérusalem : il enseigne à propos de la loi, à propos des gens doctes et savants qui se montrent et aiment qu’on les admire. Le Temple, pour fonctionner, avait besoin des offrandes des fidèles. Jésus regarde les riches mettre beaucoup d’argent et une pauvre veuve mettre quelques piécettes qui représentent son nécessaire.

La veuve donne tout ce qu’elle a à cette institution, dont Jésus annoncera quelques lignes plus loin la ruine, et les riches ne mettent que leur superflu. Cette veuve donne ce qu’elle a pour vivre à un système que Jésus conspue parce qu’il est basé sur l’arrogance et le pouvoir. Le surplus des riches permet à ceux-ci d’écraser les petits.

Alors pourquoi donner ?
En lisant le chapitre 12 de l’évangile de Marc, on se demande pourquoi cette veuve croit encore à cette institution gangrenée par ses compromissions et ses injustices : par superstition ? par fidélité ? Pourquoi met-elle en péril sa propre vie pour faire vivre une institution amenée à disparaître : « les jours viendront où, de ce que vous voyez, il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit renversée » (Marc 13,2), dit Jésus ? Le geste de la veuve est remarqué dans sa capacité à exprimer le dérisoire mais en même temps une totalité. Tout prédispose la veuve à n’être rien et pourtant elle est la seule dans ce système à reconnaître derrière l’institution de pierres, la transcendance de Dieu. Elle exprime dans ce don ce que les riches n’éprouvent pas, c’est-à-dire le sentiment de se défaire pour quelque chose, pour une idée, un principe. En général dans l’Evangile, Jésus admire et remarque ceux qui font des gestes radicaux, « je vomis les tièdes » lui fait-on dire dans l’Apocalypse. Il n’exulte pas l’idéal de pauvreté, comme on le traduit trop souvent, mais l’idéal du geste entier, du geste sans calcul, sans atermoiement.
Dans le don de la veuve, il veut voir un abandon total et c’est cet abandon, cette confiance absolue qui le touche. Trop souvent, nous avons tendance à vouloir historiciser (N.D.L.R. inscrire un phénomène, une analyse dans un contexte historique) les propos de l’Evangile en voulant qu’ils constituent un système alors que souvent ils ne font que souligner l’instant d’abandon et c’est cet instant qui fait sens parce que justement il échappe à toute construction rationnelle.
Le don de cette veuve, la plus pauvre parmi les pauvres dans la société israélienne, fait prendre conscience que notre condition humaine nous demande d’éprouver notre nécessaire et que cette expérience est aussi fondamentale qu’apprendre à marcher.

Regarder ce qu’il y a derrière les pierres
A la fin de l'histoire, une fois le temple détruit, il reste la veuve et son nécessaire et le riche et son superflu. La veuve sait ce qu'est le nécessaire ; le riche n'a plus qu'à contempler l'image brisée qui lui donnait bonne conscience de quelqu’un qui n’a jamais éprouvé le don total, c’est-à-dire de quelqu’un qui n’a jamais regardé ce qu’il y avait derrière les pierres. Par son superflu, il entretenait à peu de frais une institution qui lui renvoyait une belle image de lui. Mais le nécessaire, c’est ce qu’il y a derrière les pierres.

* Marc 12, 41

 

 

Brice Deymié
Pasteur EPUdF Aumônier national des prisons

Source : Graine de sel, Proteste n° 135, octobre 2013