Le Palais de la femme est construit en 1910, dans le XIe arrondissement de Paris, pour accueillir… des hommes ! L’hôtel populaire devient hôpital militaire pendant la guerre, puis ministère des Pensions après-guerre, avant d’être abandonné par l’État. C’est un bâtiment désaffecté que l’Armée du Salut acquiert en 1926, pour y accueillir cette fois des femmes.
Avec ses 13 000 m2, le Palais de la femme compte beaucoup dans l’histoire de l’Armée du Salut. Le couple Peyron, mandaté par William Booth (1) pour implanter l’Armée du Salut en France, est persuadé que l’organisation doit acquérir des bâtiments emblématiques pour être visible (2). De nombreuses femmes qui ont perdu un mari, un père, un fils à la guerre n’ont plus de moyens de subsistance et viennent tenter leur chance à Paris. Elles sont des proies faciles ; Blanche Peyron les met à l’abri.
Cinq étages, quatre cents femmes
Depuis bientôt un siècle, le bâtiment est dédié à l’accueil des femmes en besoin de protection. Bien qu’elles se rendent souvent « invisibles », les femmes sont aussi nombreuses que les hommes
dans la rue. Quatre cents femmes occupent un studio au Palais. Une soixantaine d’entre elles ont un enfant. Depuis 2015, le Palais accueille aussi quelques hommes.
L’hébergement et le logement sont notre priorité. Côté hébergement, nous proposons quarante-trois places pour des femmes isolées, cent pour des femmes avec un enfant et d’autres encore pour de jeunes majeures. Côté logement, il y a vingt et une places pour des femmes qui sortent de maternité, une pension de famille au cinquième étage et une résidence sociale, dernière étape avant le logement autonome. Un abri hivernal est ouvert pour quarante femmes orientées par le 115, avec à la clef une sortie durable de la grande précarité. Le Palais met aussi de vastes cuisines partagées à la disposition des femmes accueillies et de celles hébergées dans les hôtels sociaux avoisinants. Enfin, le bâtiment abrite une crèche de quarante berceaux, ouverte sur le quartier ; la mixité sociale s’expérimente dès le plus jeune âge. Le logement, la santé, l’emploi mais aussi la culture et l’accompagnement spirituel sont les piliers de notre action.
Trente travailleurs sociaux, trois psychologues, un juriste
La plupart des femmes accueillies au Palais arrivent d’Afrique subsaharienne, après un parcours d’exil jalonné de violence. Nous avons aussi des jeunes filles qui sortent de l’accompagnement de l’ASE à dix-huit ans. Trois psychologues, une trentaine de travailleurs sociaux et un juriste spécialisé dans les droits des étrangers les accompagnent vers l’autonomie.
Notre objectif est de revoir l’organisation du Palais pour optimiser les services rendus. Les femmes ont des droits mais aussi des devoirs, nous voulons contractualiser notre accompagnement social, nous ne faisons pas de l’assistanat. Nous avons aussi de gros travaux à mener, le Palais est un magnifique bâtiment Art déco mais il se dégrade, on lance un appel à la générosité au bénéfice des femmes accueillies. La France manque cruellement de structures adaptées pour accueillir les femmes.
Les gens s’étonnent de voir un homme diriger le Palais de la femme, mais la compétence n’est pas genrée. Il y a aussi des hommes qui se sentent concernés par les problématiques des femmes. Je suis féministe dans l’âme et je crois que la place des femmes dans la société est à repenser complètement. Il y a trop de domaines où elles sont sous-représentées. On a un chantier d’insertion pour les femmes en peinture de bâtiment (3), un endroit où a priori elles ne sont pas attendues. Il faut casser les préjugés.
Christophe Piedra, directeur du Palais de la femme
(1) William Booth, pasteur méthodiste britannique, a cofondé l’Armée du Salut avec sa femme Catherine en 1878.
(2) Pendant que Blanche Peyron s’escrime à lever des fonds pour acheter le Palais, son mari Albin passe commande de la Cité de Refuge à Le Corbusier.
(3) L’atelier et chantier d’insertion Terre de Femmes remobilise des femmes dans le cadre d’une formation théorique et technique aux métiers de l’écoconstruction (voir Proteste 176, p. 6)
Photo : Vincent Gerbet