Michaël Lorich est directeur général du Diaconat Bethesda à Strasbourg. Dans l’Ehpad Bethesda Arc-en-ciel de l’association, une équipe noctambule intervient toutes les nuits.
Équipe noctambule… de quoi s’agit-il ?
C’est une équipe autonome, formée à l’approche non médicamenteuse. Elle intervient auprès de résidents qui ont des troubles cognitifs et se lèvent ou déambulent la nuit. Elle est constituée
d’un assistant de soins en gérontologie, d’une psychologue et d’une coordinatrice. La personne qui prend en charge les troubles du sommeil n’est pas une aide-soignante complémentaire, elle n’assure pas les soins de base mais se concentre sur l’accompagnement.
Tous les résidents sont-ils concernés ?
Non, un médecin identifie les personnes susceptibles d’être bénéficiaires du dispositif. Chaque résident qui intègre le dispositif fait l’objet d’une analyse collective réalisée par les équipes de jour
et de nuit. Un projet d’accompagnement personnalisé est mis en place, il prend en compte son histoire, ses besoins. L’équipe est intervenue quatre cents fois les trois premiers mois (entre
vingt et trente fois par nuit) auprès de quatre-vingts résidents. Autant d’interventions habituellement assurées, ou pas, par le personnel de nuit.
De quel type d’interventions s’agit-il ?
Des résidents sont très agités en début de nuit parce qu’ils sont angoissés. On a vu, en étudiant leur parcours de vie, qu’ils apprécient un certain nombre de choses avant d’aller se coucher. Pour
l’un, ce sont des odeurs, pour l’autre, des saveurs… On apporte au premier des fragrances spécifiques qui le rassurent, on offre au second une collation qui lui permet de trouver le sommeil. Un autre ne peut pas s’endormir dans un lit ? On installe un fauteuil confortable dans sa chambre. Le dispositif d’accompagnement est toujours spécifique et s’adapte à chacun. Ce n’est pas uniquement une ambiance, un personnel en pyjama, mais une analyse au cas par cas.
Quel est l’objectif du dispositif ?
L’objectif est de diminuer les troubles la nuit et surtout de rétablir le cycle nychtéméral(1), sans user de médication. Une main tendue, une présence, une conversation, un chocolat chaud… peuvent avantageusement éviter la prise de médicaments, mais également l’effet de contamination. Car une personne agitée génère de l’agitation chez une autre qui elle-même provoque l’agitation d’une autre, etc. L’équipe a un petit chariot avec des bacs pour chaque résident, selon ses besoins et habitudes. Ici des eaux de lavande, là deux ou trois objets personnels. On réajuste au fil des mois. Au départ, nous intervenions uniquement au moment de l’endormissement, en début de nuit, mais nous avons constaté que des gens se réveillent en pleine nuit avec de profondes angoisses. Aujourd’hui, ils peuvent parler s’ils ont besoin, c’est un peu un moment hors du temps.
Les bénéfices pour les résidents sont-ils flagrants ?
Oui, on a moins de déambulations et de ce fait, tous les résidents de la maison dorment mieux. Les familles sont très satisfaites aussi, elles voient une différence. Les équipes de jour apprécient, bien sûr, puisque les résidents, qui passent de bonnes nuits, ne dorment plus toute la journée. Et pour les équipes de nuit, sur le plan de la charge mentale, de la charge de travail et du stress, le confort est palpable.
L’objectif est aussi de faire boule de neige. Soutenus et accompagnés par l’ARS, nous avons envie de partager notre belle expérience pour que d’autres établissements puissent s’en inspirer.
Propos recueillis par Brigitte Martin
Article tiré de Proteste numéro 179
(1) Le nycthémère désigne, en chronobiologie, l’alternance d’une nuit et d’un jour correspondant à un cycle de vingt-quatre heures, avec la succession des périodes de veille et de sommeil.