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Au Foyer éducatif Pelleport à Paris, un éducateur à l’épreuve du confinement

Enfance – Jeunesse
FEP - Nord - Normandie - Île-de-France

La crise sanitaire du Covid-19 n’a épargné personne ; elle n’a pas mis longtemps à devenir le centre de gravité de la pratique éducative au sein du foyer Pelleport. Relevant de la Protection de l’Enfance, ce foyer de l’association protestante La Bienvenue est situé au 115 rue Pelleport dans le 20e arrondissement de Paris. Il accueille 9 jeunes filles de 15 à 20 ans logées au sein du foyer, ainsi que 4 autres logées dans deux appartements extérieurs. De mars à mai 2020, du fait du confinement, les éducateurs ont dû répondre aux différentes situations de détresse des jeunes mais aussi réinventer leurs pratiques pour travailler autrement.

Afin de mieux traverser cette crise et répondre comme il se doit à l’urgence sanitaire pour les jeunes filles accueillies dans la structure, la direction de l’association La Bienvenue a adapté son organisation et a réparti le personnel avec le renfort d'éducateurs provenant d’un autre service de l'association, le Foyer Lépine, lui aussi situé à Paris et accompagnant des jeunes mineurs et des adultes hébergés en appartements autonomes.

Tous les éducateurs se sont d'emblée réunis pour réfléchir à une optimisation des activités, en concertation avec les jeunes.
A l'issue de ces échanges, il a été lancé un journal de bord intitulé « Le Corona Journal Covid-19 Pelleport », qui sera publié avant le départ en vacances, en juillet 2020. Ce journal réalisé par les jeunes met en lumière les temps forts du confinement, qui ont été partagés avec les adultes, grâce à des textes, des photos et des citations. Il met également en toile de fond le rappel à tous des gestes barrières pour les vacances.

Regard humain sur cette période de confinement

Au terme de ces quelques mois, je souhaite livrer mon point de vue d'éducateur spécialisé exerçant dans le domaine de la Protection de l’Enfance. Comme tous ceux appelés à maintenir leur service pour raisons prioritaires durant le confinement, j’ai été interpellé par cette injonction nationale à la prévention : « Prenez soin de vous et restez chez vous. »  Car pour moi, cet appel n’était ni pour les soignants, ni pour les éducateurs qui devaient simplement rester présents auprès de tous ces jeunes placés par le juge et maintenant confinés pour cause de pandémie.

Mardi 17 mars 2020, premier jour du confinement : je ne suis pas confiant à l’idée de prendre les transports en commun pour rejoindre mes collègues au travail, mais il le faut pourtant afin d'être présent et prendre soin de ces jeunes.

Certes, je suis confiné... Je me dis que malgré la nécrologie ministérielle annoncée chaque soir à 20 heures sur les chaînes de télévision, la vie continue et ces jeunes, qui ont pour la plupart vécu des abandons, de la maltraitance, des chemins parsemés d’échecs ou un parcours migratoire difficile, ont un besoin absolu de notre présence en cette période.

Avec l’équipe renforcée, nous mettons en place des activités pour les occuper, les aider à s’adapter à cette situation exceptionnelle sans oublier toutes les richesses partagées.

En voici quelques illustrations :

D.M. est une jeune fille qui a toujours eu beaucoup de mal à faire confiance aux adultes depuis son admission au foyer, avec une tendance à se réfugier dans la structure. Elle a au départ très mal vécu le confinement car elle a demandé à le passer dans sa famille, ce qui n’était pas possible.
Après une phase de bras de fer avec l’équipe, D.M s’ouvrira auprès d’une éducatrice pour parler de sa vie de jeune, placée et confinée, prenant conscience du bien-fondé de son placement et de son évolution au foyer. Elle va saisir cette période pour tisser des liens avec les adultes et réfléchir sur son parcours. Je garde en mémoire son affirmation : « Je me tatouerai la date de mon placement en guise de souvenir. »

T.M est une jeune fille admise au foyer la veille du confinement, soit le 16 mars. Ayant une histoire migratoire empreinte de souffrances, conjuguée à une problématique de dépendance, elle va nécessiter une vigilance éducative permanente. Lors d'une crise d’angoisse liée à son addiction, elle dut être prise en charge par les services de secours.
Chaque jour, nous avons dû veiller à sa sécurité, faisant en permanence le lien avec les services de santé, notamment le service d’addictologie. Cette période aura été très dure à vivre pour cette jeune fille ; elle fut aussi particulièrement stressante pour l’équipe puisque ses manifestations de manque ont été réelles, répétées, et ont dû se vivre au sein même de l’établissement. Néanmoins, T.M parviendra à tenir le confinement et à couper ses liens avec des milieux exerçant une influence très néfaste sur elle, au moins le temps du confinement.

Il y eut aussi ce temps fort autour d’un barbecue « Covid-19 » dans le jardin du foyer avec repas libre, musiques, danses, chorégraphies de danses africaines, maghrébines ou de Rock’n’roll. Les jeunes filles ont préparé le repas avec l’aide du cuisinier, pour elles-mêmes et l’équipe encadrante. Ce fut un temps festif et de partage entre jeunes et adultes.

Enfin, trois de nos éducatrices s’associeront à l’hommage rendu aux personnels soignants en interprétant la Marseillaise, accompagnées au trombone à coulisse.

Trouver comment s’engager, comment prendre soin de nos jeunes filles, les accompagner réellement durant cette période anxiogène, tel aura été mon engagement. Malgré mon anxiété initiale, cette crise sanitaire, vécue et partagée avec les jeunes et mes collègues éducateurs, m’aura incontestablement fait passer par différents temps forts en tant qu’être humain mais aussi sur le plan professionnel.

Au plan professionnel

Dès la première semaine du confinement et avec le soutien actif de la direction générale de La Bienvenue, nous avons redoublé de vigilance et réinventé notre manière d’accompagner les jeunes en interne.
Ce fut une réelle performance d’avoir mutualisé compétences et ressources avec nos collègues éducateurs du Service Lépine de Paris, venus en renfort.
Avec leur soutien et grâce à une expertise éducative collective basée sur les notions de plaisir et de partage, nous avons mis en place plusieurs actions d’aide, d’accompagnement et de soutien pour nos jeunes filles du foyer.

L'anticipation, la solidarité et la collégialité ont été les mots-clés de notre pratique, vécue en vase clos, jour après jour, durant toute la crise du coronavirus au sein du foyer Pelleport.

Toutes ces journées auront été très intenses physiquement et psychologiquement, avec le sentiment d'accomplir notre devoir civique, dans ce qui fut une aventure autant humaine que professionnelle.

Mishel M., Éducateur spécialisé, Foyer Pelleport, « La Bienvenue »



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