Les 27 et 28 mars derniers, les adhérents de la Fédération de l’Entraide Protestante se sont retrouvés à Lille pour débattre autour de la notion de parcours, un concept qui s’impose de plus en plus dans tous les secteurs d’activité de la santé, du médico-social et du social. Pour tenter de comprendre ce que recouvre cette notion et comment elle peut être appliquée dans les champs d’activité de la Fédération et de ses membres, les participants ont participé à des ateliers organisés au sein des associations, au plus près du parcours.
Lors des Journées nationales, sept ateliers étaient organisés au sein des associations lilloises. L’occasion pour chacun de poursuivre les débats entrepris lors des conférences et tables rondes et de recueillir les témoignages de ceux qui agissent sur le terrain. Retour sur cinq des sept ateliers.
Atelier 1
De la maraude à la halte de nuit
Reçus dans les locaux de la halte de nuit de l’Abej-Solidarité, les participants ont pu entendre les témoignages de Violaine Mareigner et Djelloul Chenoufi, éducateurs spécialisés qui vont à la rencontre des personnes en grande marginalité. Les deux éducateurs ont pu partager les difficultés qu’ils rencontrent sur le terrain face à la volonté de normaliser les parcours: contraintes institutionnelles, dispositifs et solutions de logement et d’hébergement mal adaptés pour les grands exclus, coordination entre les différents partenaires difficile … L’occasion pour les participants, responsable et gestionnaires de structures mais aussi salariés et bénévoles, d’interroger leur responsabilité dans la construction d’un parcours normé qui aurait pour conséquence d’exclure « celles et ceux qui ne rentrent pas dans les cases ». La réflexion s’est alors poursuivie sur la nécessité d’adopter une posture et un environnement d’accueil plus souples, tenant compte des besoins de chacun et privilégiant l’adaptation au projet de l’usager plutôt que son enfermement dans un parcours pré-tracé. Une réflexion qui réhabilite la compétence des bénéficiaires parfois annihilée par les associations et les structures qui mettent en place « à la place » et non « avec » les usagers.
Atelier 2
Des adolescents vivent dans la rue : entre parcours idéal et réalité quotidienne
Face à la présence de mineurs isolés étrangers (MIE) dans la rue, le Centre de la Réconciliation accueille, la nuit, ces jeunes de 14 à 17 ans dans la salle de culte de l’Eglise. A partir d’exemples vécus des mineurs les participants, organisés en petits groupes, ont essayé d’imaginer les parcours de vie de ces jeunes. Plusieurs récits de filles et de garçons mineurs, de leur départ de leur pays jusqu’au moment de leur arrivée en France ont été proposés aux participants. Ils ont ensuite imaginé les scénarii possibles pour la suite de chaque récit compte-tenu des lois existantes. Un exercice qui a permis de mesurer les écarts entre parcours idéal et réalité quotidienne. Pour aller plus loin, un temps de discussion s’est engagé pour réfléchir aux solutions à apporter. L’idée de remonter à la source de la difficulté de ces populations s’est imposée, avec des propositions de solutions comme l’annulation de dettes, souvent injustifiées, des pays les plus pauvres ou encore le développement du micro-crédit et du commerce équitable. Des actions à mener « ici et maintenant » ont également été proposées telles que l’application des lois en vigueur pour que les MIE en évaluation et reconnus puissent être mis à l’abri ou encore la possibilité
pour les MIE en attente
de jugement, d’intégrer le dispositif classique via le 115 et les foyers d’hébergement. Enfin, le développement de lieux composés de personnes compétentes, à même d’accompagner les MIE dans leurs démarches a été évoqué comme une piste de travail à développer.
Atelier 3
Parcours personnalisés pour les personnes âgées
Comment adapter l’accompagnement des personnes âgées dépendantes pour éviter les ruptures dans leur parcours de vie ? Telle est la question que se sont posés les participants de l’atelier organisé au Centre Féron-Vrau qui accueille les personnes âgées et prioritairement les plus dépendantes. Les discussions se sont articulées autour de la différence entre « Projet de vie » et « Parcours de vie ». Comprendre ce que la personne va faire au sein de l’EHPAD, respecter ses habitudes de vie et former les personnes qui accompagnent, sont apparues comme des mises en oeuvre nécessaires pour permettre aux résidents de continuer à construire leur projet de vie au sein des établissements. Le projet de construction d’une « maison de partage » à Nîmes qui prévoit le financement par le Conseil Général d’un agent de vie sociale chargé de tisser des liens avec l’environnement : commerces, transports en commun… a également été évoqué, soulignant l’importance de réintroduire la notion d’habitat dans l’EHPAD. Les participants ont enfin rappelé le rôle important des diaconats de paroisse dans les parcours de vie des personnes âgées à domicile, voire isolées à domicile. .
Atelier N° 4
Une étape sur la route des personnes étrangères
Les participants réunis dans les locaux lillois de La Cimade ont pu s’interroger sur le parcours de vie des demandeurs d’asile. Face à une législation toujours plus complexe et restrictive, les difficultés auxquelles sont confrontés quotidiennement les demandeurs ont été rappelées ainsi que l’accompagnement mis en place La Cimade (aide juridique, cours de Français langue étrangère, écoute personnalisée, orientation vers d’autres organismes…) pour apporter son expertise et ses conseils aux étrangers afin qu’ils puissent faire respecter leurs droits et construire leur projet de vie. La difficulté d’évoquer en France la question des migrants a par ailleurs, largement été soulevée. Enfin, le juste regard porté sur les demandeurs d’asile, c’est-à-dire fait de confiance et de bienveillance, est apparu comme essentiel car à même de changer le parcours de vie. Un travail souvent difficile mais absolument nécessaire.
Atelier N°5
Aide alimentaire: passer de aidé à aidant
L’atelier, organisé à l’entraide de l’Eglise protestante unie de Lille qui apporte une aide alimentaire à des familles en situation de précarité, a été le lieu d’échanges entre bénévoles, bénéficiaires et participants sur la notion de « parcours de vie ». En quoi l’action d’aide alimentaire permet parfois le passage d’aidé à aidant ? Comment identifier et traiter les ruptures de parcours au sein des structures d’entraide ? Comment organiser l’accueil des bénéficiaires ? Comment l’entraide est non seulement un lieu de distribution alimentaire mais aussi un lieu où chacun peut trouver une place, une mission, une responsabilité ? … Autant de questions qui ont rythmé les échanges et ont permis à chacun de partager des pistes de progrès et de réflexions prospectives, des initiatives innovantes ainsi qu’une recherche de concepts nouveaux pour lutter contre la paupérisation en France.