Les 4 et 5 avril 2014, près de deux cents personnes membres d’associations et fondations adhérentes à la Fédération de l’Entraide Protestante ont participé aux Journées nationales à Nîmes. Le thème abordé pendant ces deux jours de réflexion : la crise, ses conséquences et les réponses que les associations peuvent y apporter.
Ces Journées nationales 2014, intitulées « Grâce à la crise, refonder l’action », ont proposé des conférences, des tables rondes avec des experts, théologiens, économistes, historiens et des ateliers thématiques sur les défi s de l’action sociale, médico-sociale et sanitaire aujourd’hui. Des intervenants de qualité ont analysé le caractère multiforme de la crise et ses effets sur le monde associatif, soumis à un « effet ciseaux » très préoccupant, compte tenu de l’évolution divergente des moyens et des besoins : les moyens publics diminuent alors que le nombre de personnes en situation d’exclusion augmente. En ateliers, les associations ont dessiné des perspectives positives pour relever ce double défi.
Déconstruire la crise
Le philosophe Jean-Marc Ferry a montré en quoi l’État n’est plus en mesure d’assurer sa promesse de protection sociale. Les pouvoirs publics invoquent les valeurs de solidarité et de responsabilité mais ils reconnaissent, dans le même temps, leur impuissance face aux contraintes économiques. En découle un scepticisme généralisé sur la capacité de l’État à protéger les citoyens.
Dans le domaine économique et social, l’économiste Denis Malherbe a souligné le fait que la société contemporaine évalue la qualité des personnes et des organisations à travers un prisme exclusivement comptable, financier et technique. Or « l’esprit associatif », qui met en avant les valeurs de coopération, d’engagement désintéressé et de participation des citoyens achoppe sur les logiques actuelles de mise en concurrence, de concentration des moyens, d’optimisation et de spécialisation techniques. Ceci pose en outre un problème démocratique majeur : la décision se trouve concentrée entre les mains d’une minorité d’experts hyper-professionnalisés, reléguant le citoyen et sa marge de manœuvre à des gestes symboliques (élections).
Sur un plan moral, l’éthicien Denis Müller a fait remarquer que le rejet de la finitude, qui va de pair avec une sorte d’adoration des solutions « techniques » (nouvelles technologies, allongement de la durée de vie), éloigne les individus du politique, de la compréhension du vivre-ensemble. L’hédonisme et le consumérisme seraient des symptômes de cette évolution.
Élaborer des pistes communes
Répartis en ateliers qui se sont déroulés au sein d’associations nîmoises, les participants ont cherché à construire des réponses nouvelles à apporter dans ce contexte de crise : passer d’une logique descendante à une logique ascendante, d’une relation de prestation à une relation de partenariat, pour permettre la confrontation ouverte des points de vue ; instaurer un « jeu à plusieurs », c'est-à-dire un espace solidaire, coresponsable, qui peut se décliner aussi bien à l’échelle très locale qu’européenne ; concilier les contraintes et les responsabilités sociales, économiques et politiques ; renforcer la coopération inter-associative et le travail en réseau ; ou encore favoriser la participation des usagers. De nombreux exemples, qui mélangent ces ingrédients, ont démontré qu’efficience (1) et efficacité (2) peuvent aller de pair : comme l’orientation des jeunes en difficulté à travers une plateforme de services mutualisés ou encore l’élaboration de « parcours de soins » pour les personnes âgées dépendantes grâce à la coopération entre établissements. Mais il y en a beaucoup d’autres, dont « Proteste », la revue trimestrielle de la fédération, se fait régulièrement l’écho.
Ces journées ont révélé à quel point la crise réinterroge le monde associatif sur sa capacité à être force de proposition et d’innovation. Engagement tenu !
1 - Rapport entre le résultat et les moyens employés
2 - Rapport entre le résultat et l’objectif
Source : Vie de la fédération, Proteste n°138, juin 2014