Christian Soulié est fondateur et président de l’association familiale protestante Main Tendue, à Toulouse, depuis vingt et un ans. À soixante-huit ans, il aspire à passer le relais.
Comment est née Main Tendue ?
Je crois que si on est chrétien, l’engagement social est une évidence et j’avais à cœur d’apporter mon aide aux personnes en difficulté, mais je ne pensais pas que ça prendrait autant d’importance.
Avec quelques personnes de mon Église, on a créé l’association et démarré très modestement dans ma cuisine, en préparant des repas qu’on distribuait dans la rue à Toulouse le dimanche. En 2003, il n’y avait pas de distribution ce jour-là et les gens ne mangeaient pas. On a commencé comme ça, avec des petits moyens, et la mayonnaise a pris. Les bénévoles sont arrivés. Au bout d’un an, on avait distribué trois mille repas.
Au nord de Toulouse, il y a plusieurs quartiers prioritaires avec de la pauvreté, du chômage. En 2011, nous avons ouvert une épicerie sociale qui accompagne aujourd’hui trois cent cinquante familles et nous servons six mille cinq cents repas chaque année. Depuis 2017, notre Solidaribus, un fourgon aménagé en accueil de jour mobile, va à la rencontre des personnes sans abri les plus marginalisées. Il devient le Musicobus lorsque notre musicothérapeute y anime chaque semaine des ateliers dans la rue. Nous avons aussi la chorale KoKeLiKo où des gens de la rue chantent avec des Toulousains bénévoles.
Est-ce important d’anticiper la transmission ?
Oui, il n’est pas bon de travailler dans l’urgence et la précipitation. Nos actions se sont multipliées au fil des ans et, même si j’ai cent cinquante bénévoles et deux salariés, il y a beaucoup de choses qui reposent sur mes épaules. Main Tendue, c’est un peu mon bébé. Je vais laisser la place avec émotion mais, avec le conseil d’administration, on va faire en sorte que la transmission se passe au mieux, de manière coordonnée et organisée.
La secrétaire du conseil d’administration, qui est bénévole depuis huit ans, est prête à prendre la suite lorsqu’elle cessera son activité professionnelle, dans trois ans. On va organiser l’association différemment pour qu’elle ne supporte pas la même charge de travail que moi.
Un coach en entreprise aide le CA à répartir mes tâches, revoir la gestion des bénévoles, la structuration administrative afin que la transmission soit confortable. Mon successeur se libère dès qu’elle peut pour des réunions et pour se familiariser avec le réseau. Une transmission réussie, c’est essentiel, car le risque est de mourir – ou d’être repris par une grosse association et de perdre nos valeurs protestantes et le sens de notre action. Il y a un fort militantisme bénévole à Main Tendue, un sens de l’amitié et de la camaraderie qui fait la différence.
Resterez-vous à disposition ?
Si ma remplaçante a besoin, elle pourra compter sur moi, mais je ne serai plus présent physiquement. Je ne veux pas interférer, il faut qu’elle soit complètement libre. Elle ne fonctionnera certainement pas comme moi mais ce n’est pas un problème, ce sera sa façon de travailler. C’est une femme très organisée qui a une grande expérience de la gestion d’équipes, je suis sûr que ça marchera très bien et probablement même mieux qu’avec moi, et je ne serai pas jaloux si c’est le cas !
Je dresse un bilan très positif, je suis heureux d’avoir participé à cette belle aventure et fier aussi, mais je ne veux pas m’en enorgueillir. Je n’ai rien donné que je n’aie reçu. J’ai été un instrument, j’ai fait ce qu’il fallait que je fasse et je vais laisser la place avec le sentiment du devoir accompli.
Propos recueillis par Brigitte Martin
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