Jusqu’à la fin, Nicole fut une actrice active de l’entraide et de l’action sociale, une militante pour la justice et les droits humains. Elle joua un rôle éminent dans les fédérations protestantes d’entraide, dans l’action sanitaire et sociale.
Elle avait été élue au CA de la Fédération de Institutions Chrétienne (FIC) en 1977 et réélue lors des assemblées ultérieures.
Elle en devint la vice-présidente en 1980 et conserva cette responsabilité lorsqu’en 1982, la FIC prit le nom de Fédération Protestante des Œuvres (FPO).
En 1984, tout en continuant de siéger au Conseil de la FPO jusqu’en 1989, elle fut l’une des fondatrices de l’Entraide Protestante fédération nationale (EPfn).
Elle dirigeait alors le CASP. Elle avait été une actrice majeure de son développement, le CASP était passé sous sa direction de deux salariées, dont elle, à plus de cent. Avec son président d’alors, le pasteur Pierre Fath, elle prit immédiatement des responsabilités au sein de l’Entraide. Jusqu’en 2001, elle fut membre du bureau de l’EPfn, puis de la Fédération de l’Entraide protestante, née de la fusion de la FPO et de l’Entraide protestante.
Le CASP était alors la vitrine de l’Entraide protestante à Paris. Il permettait de montrer aux responsables politiques et administratifs l’ampleur des besoins et témoignait de l’efficacité du travail mené.
Nicole ne se contentait pas de ce remarquable engagement local. Avec d’autres, elle avait fait le constat que l’action locale, aussi exemplaire ou significative fût-elle, ne faisait pas automatiquement émerger une pensée globale.
L'inverse était cependant possible, comme l'avait exprimé Jacques Ellul, en 1990 à Hourtin lors d’une assemblée générale de l’Entraide : « il faut penser globalement et agir localement ».
Pour reprendre les propres mots de Nicole : « En 1984, les associations protestantes qui travaillaient auprès des publics en difficulté étaient depuis dix ans confrontées aux bouleversements profonds de notre société. La dégradation continue du marché de l'emploi, le développement de la précarité et des exclusions, le renforcement de la ségrégation sociale, la disparition progressive des liens sociaux qui unissaient entre eux les citoyens, obligeaient nos associations à trouver de nouvelles pratiques d'action sociale, à créer de nouveaux espaces de liberté et de parole, à réfléchir sur les incohérences et les méfaits d'une société en pleine mutation.
Dispersées à travers la France, nos associations ressentaient un profond sentiment d'angoisse et de révolte face aux inégalités et aux injustices dont elles étaient les témoins. Placées à la frontière de l'Église et de la société, elles se sentaient un devoir d'interpellation auprès des paroisses, des adhérents ou des administrations ; certaines le faisaient mais elles n’étaient pas toujours entendues ou comprises.
[Ces associations décidèrent en 1984, à Marseille de constituer la Fédération de l’entraide protestante].
Ce jour-là est apparu clairement ce que les représentants de associations voulaient construire ensemble. Malgré certaines différences dues à nos origines, à nos lieux d'implantation géographique, à nos histoires ou nos moyens matériels, nous avions une vision sociale semblable, une cohésion de pensée, un même regard et un respect profond pour ceux qui frappent à nos portes. Liés par une foi commune, nous n'acceptions pas qu’au nom de la « croissance économique » ou du libéralisme forcené soient sacrifiées des vies.
Fédérés nous n'étions plus seuls et trouvions ensemble des forces nouvelles pour continuer notre travail local et notre lutte. Tous ceux qui ont participé aux premières années de l'Entraide protestante ont gardé le souvenir de la richesse de nos débats, de nos échanges, de nos engagements dans certains combats. Nous avions alors une parole forte et à l'unisson »[1].
L’une des branches de la famille de Nicole était originaire des vallées vaudoises d’Italie, plus précisément de Prali, le village où, en 1946, le pasteur Tullio Vinay avait fondé le Centre œcuménique « Agapè », un lieu de rencontre, de vie et de travail en commun pour des jeunes de diverses nationalités, de religions différentes, où des croyants et des non-croyants se retrouvent dans un échange où chacun renonce à l’illusion de détenir l’entière vérité, mais trouve à nourrir son engagement.
Elle aimait séjourner avec ses enfants à Prali où elle avait loué jusque dans les années 1980 un appartement à l’année.
Les combats de Tullio Vinay, « juste parmi les nations », ne pouvaient que l’inspirer : il avait multiplié les activités antifascistes sous la dictature de Mussolini et sauvé plusieurs dizaines de Juifs. Il avait aussi, contre la mainmise de la mafia, fondé en Sicile le « Centre de service chrétien » pour lutter contre la misère économique, sociale et en privilégiant l’éducation, l’accès aux soins et le développement durable. Tullio Vinay avait toujours associé le niveau spirituel, l’action sociale et l’engagement politique : de 1976 à 1983, il avait été sénateur, élu en tant qu’indépendant sur la liste du Parti communiste italien.
Je me souviens avec beaucoup d’émotion du moment où, face à l’océan, après une rencontre de la FEP à La Rochelle, nous avons chanté avec Nicole, Bella ciao, le chant des partisans italiens :
« E seppellire lassù in montagna
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao
E seppellire lassù in montagna
Sotto l'ombra di un bel fior »
Tu m'enterreras là-haut sur la montagne
Ô ma belle, adieu,
Ciao, ciao, adieu, adieu
Tu m'enterreras là-haut sur la montagne
À l'ombre d'une belle fleur.
Bella ciao Nicole ! »
[1] (Bulletin de l’Entraide n°75, mars 1998, p.15