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Quels accompagnements pour les personnes âgées à l’heure du Covid-19 ?

Personnes âgées
Vie fédérative

La crise du COVID-19 touche tous les secteurs du champ social et médico-social. Elle touche sans doute plus durement les établissements hébergeant les personnes âgées. D’abord, parce que l’on sait que les personnes âgées sont particulièrement vulnérables pour faire face au virus SARS-Covid-19 et qu’elles présentent souvent d’autres pathologies (maladie cardiaque, diabète, maladie d’Alzheimer) qui les rendent encore plus fragiles. Ensuite, parce que du fait de cette vulnérabilité, les personnes âgées et les équipes soignantes sont confrontées aux injonctions du confinement depuis près d’un mois et demi désormais, quand le reste de la population y a été soumis voilà trois semaines. Enfin, parce que n’entrant pas dans la catégorie des établissements de santé, les établissements sociaux et médico-sociaux n’apparaissent pas comme prioritaires dans la réponse à la crise du Covid-19.

Parmi les membres de la FEP, ce sont, aujourd’hui, près d’une centaine d’établissements d’accueil de personnes âgées qui doivent s’adapter, gérer l’urgence, contenir la maladie, pousser toujours plus loin les frontières de l’engagement du personnel pour faire face à la crise du Covid-19.

Mise en place du confinement au sein des EHPAD

Dès le 5 mars 2020, les premières recommandations de confinement des personnes âgées dans les établissements médico-sociaux ont été rendues publiques par les pouvoirs publics : interdiction des rassemblements familiaux, distanciation sociale renforcée, restrictions de visites des proches et des familles.

Le 13 mars 2020, de nouvelles consignes relatives aux visites et aux sorties dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées viennent renforcer le dispositif de confinement. Les activités prévues en extérieur et les visites aux résidents des animateurs, des bénévoles et des proches sont suspendues. Seuls les stagiaires des formations sanitaires et sociales sont encore autorisés, en respectant strictement les gestes barrières, à intervenir au sein des établissements.

Le 28 mars 2020, suivant les recommandations du Conseil scientifique du 27 mars 2020, le gouvernement recommande de renforcer encore ces mesures, même en l’absence de cas suspect de Covid-19 parmi les résidents ou le personnel soignant. Le confinement est individualisé, les déplacements des résidents sont strictement limités, les activités et la prise de repas collectives sont interdites.

Selon ces directives, des visites exceptionnelles peuvent être autorisées par la direction de l’établissement, dans le cadre de la fin de vie ou du décès de la personne résidente de l’établissement.

Les établissements, le personnel soignant et accompagnant, les équipes de direction doivent ainsi adapter leurs pratiques, restreindre la liberté de mouvement des résidents, tout en assurant la communication avec les familles afin d’accompagner au mieux ces nouvelles modalités, dont l’impact sur la santé des personnes âgées pose également question.

En effet, plusieurs membres de la FEP témoignent de la véritable difficulté créée par le manque de déplacement et l’impossibilité de faire appel, jusqu’à il y a peu de temps, à des kinésithérapeutes libéraux. En découlent une perte de masse musculaire et une perte de mobilité qui mènent à une fragilisation de l’état général du ou de la résidente. Par ailleurs, certaines affections telles que la maladie d’Alzheimer empêchent le confinement : les déambulations et la désorientation des personnes atteintes de cette maladie sont difficiles à gérer.

Comment, dès lors, trouver le juste milieu entre un confinement total, individualisé, privant le résident de lien social d’une part, et, d’autre part, la protection de sa santé physique face au virus ? Au nom d’une certaine éthique, comment prendre en compte les effets secondaires et la souffrance psychique liés au confinement qui touchent les résidents ? Véritable dilemme que d’appliquer les modalités d’un confinement strict tout en mesurant l’impact que cela peut avoir sur la santé même des résidents que l’on entend protéger.

Dans le respect des consignes sanitaires, certains établissements font des choix, comme celui d’adapter le fonctionnement des repas pour maintenir un espace de socialisation : tables écartées de plus de deux mètres, mesures de protection renforcées pour le service, les résidents conservant le choix de prendre leurs repas dans le réfectoire ou dans leur chambre.

Dans le souci d’accompagner au mieux les résidents, plusieurs établissements n’ont pas attendu pour mettre en place des numéros téléphoniques et des cellules d’accompagnement et de soutien psychologiques. Des tablettes informatiques individuelles sont également mises à disposition des résidents pour permettre de maintenir un lien à distance avec les proches ou avec un réseau de bénévoles.

Enfin, même si aujourd’hui les mesures de confinement sont bien comprises par les familles et les proches des résidents, ils disposent souvent de peu d’informations et le sentiment d’impuissance prévaut. Il demeure essentiel de leur apporter, à eux aussi, soutien et écoute. Pour les établissements, c’est une composante importante de la gestion de la crise du Covid-19.

Depuis le 6 avril 2020, à la suite de l’audioconférence avec les responsables des cultes et le président de la République, et en accord avec le ministère de l’Intérieur, la Fédération protestante de France propose un numéro vert d’accompagnement et de soutien spirituel pour les plus vulnérables[1].

Retard et manque de moyens à disposition dans les EHPAD 

Si les personnes âgées ont été les premières touchées et protégées par les mesures de confinement, les moyens adaptés pour faire face à la crise ont tardé à être mis à disposition des équipes des établissements sociaux et médico-sociaux. Alors que les mesures de confinement empêchaient la venue même de bénévoles en soutien des équipes, que le personnel devait mettre en place le confinement d’un public particulièrement vulnérable et qu’il devait gérer la sidération associée à la découverte des premiers cas de Covid-19, les moyens de protection adéquats n’ont pas été fournis avant plusieurs semaines.

A cet égard, de nombreux établissements témoignent de l’absence de répondant de leurs Agences Régionales de Santé respectives, d’un manque de communication ou d’une communication inadaptée.

La première quinzaine de confinement s’est ainsi avérée d’une grande souffrance pour le personnel : impossibilité d’avoir accès à des protections individuelles, peu ou pas d’informations coordonnées et défaut de communication des autorités de tutelle.

A compter du 22 mars, de nouvelles distributions de masques ont eu lieu pour les professionnels de santé, les EHPAD et les établissements médico-sociaux, avec de grandes disparités d’acheminement selon les régions. A titre d’exemple, l’AOAPAR, association membre de la FEP, a reçu des masques en nombre pour son établissement localisé à Cannes, mais celui situé en région parisienne est resté encore plus d’une semaine dans l’attente d’informations à cet égard. A cela s’ajoutent des situations complexes pour récupérer les masques, coûteuses en temps et en énergie pour les personnels. Une ARS informait par exemple un établissement de la disponibilité de masques à aller chercher dans un autre département.

Les établissements se sont organisés avec les moyens à disposition. Tel avec les masques heureusement présents en réserve. Tel autre grâce au matériel d’école transmis par la mairie. Tel autre encore sans protection individuelle du personnel, en prenant la température de chacun tous les matins.

Plusieurs établissements font part d’une différence de traitement selon que l’établissement soit public ou privé à but non lucratif, ou encore, selon qu’il soit habilité à l’aide sociale ou non.

S’agissant enfin des moyens de détection de la maladie, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé le 21 mars 2020, suivant les recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé, la mise en place progressive de tests massifs pour enrayer la pandémie. A ce jour, de très nombreux établissements sont encore dans l’attente de ces tests en nombre suffisant pour permettre de tester l’ensemble du personnel et des résidents.

C’est dans ces circonstances tendues que le personnel soignant et les directions continuent d’accompagner, au quotidien, les personnes âgées.

Soutien au personnel soignant dans les EHPAD

Les directions et le personnel soignant vivent quotidiennement la mission d’accompagner les personnes et leurs familles jusqu’à leur départ, dans les meilleures conditions de dignité, la crise actuelle n’étant qu’un prolongement de cet engagement.

Le maintien de la qualité de l’accompagnement est au cœur des préoccupations. Les protocoles d’accompagnement doivent être adaptés pour respecter la distanciation tout en maintenant la bientraitance, ceci posant un certain nombre de questions inédites. Les équipes doivent arbitrer rapidement et dès lors pèse sur eux une grande responsabilité.

Dans le contexte de crise sanitaire actuel, nombreux sont les établissements qui doivent faire face à un manque de personnel.

Dans les éléments d’explication de cette situation, on trouve d’abord l’interdiction de visite extérieure des professionnels et accompagnateurs qui entraîne une action 24h/24h des équipes soignantes. Ensuite, les conditions de travail de celles-ci sont considérablement dégradées par la situation d’urgence permanente et le manque de moyens. Par ailleurs, de nombreux soignants manquent à l'appel, eux-mêmes contaminés et luttant contre la maladie. Enfin, il faut prendre en compte la souffrance entraînée par la position très particulière des soignants : comment vivre avec la responsabilité d’être un vecteur potentiel du virus au sein de l’établissement et auprès des proches de son foyer ? Comment faire face au sentiment d’impuissance face à la propagation du virus malgré la mise en place de tous les dispositifs possibles, avec les moyens disponibles mais souvent insuffisants pour faire face efficacement ?

Le gouvernement a fait savoir le 27 mars 2020 la possibilité pour les établissements médico-sociaux de recourir à différents dispositifs pour soutenir les équipes : les professionnels de santé volontaires (dont la liste est transmise aux ARS) ; les réquisitions qui doivent être faites sur proposition du directeur général de l’ARS au préfet du département ; les professionnels de santé libéraux ; la réserve sanitaire ; des directeurs et directrices de soutien et d’appui mis à disposition ; les étudiants en santé.

Cela est le cas, par exemple, de la Fondation Lambrechts, membre de la FEP, qui fait appel depuis peu à des étudiants en médecine pour venir renforcer l’équipe soignante.

Dans ces circonstances si difficiles, des numéros de soutien psychologique[2] ou d’écoute spirituelle[3] proposent une opportunité de dialogue bienvenue pour ces acteurs du quotidien qui ne comptent ni leur temps, ni leur énergie au service des personnes âgées.

En manifestation de soutien aux équipes sur le terrain, d’autres initiatives voient le jour et pourront inspirer les réseaux. Ainsi en est-il des initiatives bénévoles pour livrer des paniers de produits frais aux soignants et personnel des établissements, pour faire leurs courses…

Ce lundi 6 avril 2020, le cercle personnes âgées de la Fédération de l’Entraide Protestante s’est réuni pour échanger sur les problématiques rencontrées par les établissements accueillant des personnes âgées face à la crise du Covid-19 et réfléchit notamment au moyen de mobiliser celles et ceux qui sont un marqueur et une chance propres à nos établissements non lucratifs : les bénévoles.

Il s’agit d’optimiser l’efficacité des moyens et des énergies au bénéfice de la qualité de l’accompagnement, tout en respectant strictement les mesures barrières, les règles sanitaires, par le biais d’une formation adaptée à l’hygiène.

La FEP se mobilise également, à son niveau[4], pour mettre en place une dynamique d’accompagnement et de soutien. Elle a ainsi signé la pétition lancée par Madame Julie Michaud, ancienne directrice scientifique de la CNSA[5].

Dans cette situation de crise sanitaire inédite à laquelle font face tous ceux qui accompagnent ces personnes âgées, des questions d’ordre éthique se posent inévitablement. Comment accompagner la fin de vie d’un résident lorsque la famille et les proches ne peuvent se rendre à ses côtés ? Comment accompagner les familles dans le deuil de l’être cher lorsque même après le décès, il n’est pas possible d’avoir accès au corps du défunt ? Quel accompagnement pour les familles et le personnel dans la réflexion éthique sur la fin de vie dans ce contexte de crise sanitaire ?

Autant de questions auxquelles des réponses pourront sans doute être trouvées dans les accompagnements personnalisés, dans la mise en place de cellules psychologiques, dans l’accompagnement spirituel proposé par les différents cultes en France, auxquelles nous devons réfléchir pour agir aujourd’hui mais aussi pour préparer demain.


[1] https://www.eglise-protestante-unie.fr/actualite/ecoute-et-soutien-spirituel-20990

[2] https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/sante-et-travail/observatoireQVT/article/covid-19

http://www.psycom.org/Actualites/Lignes-d-ecoute-et-de-soutien-actives-pendant-l-epidemie-de-Covid-19

[3] https://www.eglise-protestante-unie.fr/actualite/ecoute-et-soutien-spirituel-20990

[4] Retrouver tous les communiqués de la FEP : https://fep.asso.fr/communiques-et-alertes-aux-pouvoirs-publics/

[5] https://www.change.org/p/autorit%C3%A9s-sanitaires-organisons-des-renforts-b%C3%A9n%C3%A9voles-pour-les-ehpad-vite