Isabelle Richard, en quête de sens
Présidente de la Fédération de l'Entraide Protestante, Isabelle Richard est convaincue que son chemin l'a menée vers cette fonction. Avec pour fil rouge, sa foi, et pour tournant déterminant, la naissance de son fils, porteur d'un lourd handicap.
La fibre sociale se cultive de génération en génération dans la famille d'Isabelle Richard.
Son père, d'abord haut fonctionnaire de l'État aux ponts et chaussées, fait ainsi toute une partie de sa carrière dans le logement social, s'investissant dans le Conseil économique et social. Leur foi protestante est elle aussi porteuse d'engagement. Ce n'est donc pas une coïncidence si elle se retrouve aujourd'hui à la barre de la Fédération de l'Entraide Protestante (FEP). « Je ne suis pas arrivée là par hasard : ma vie est une suite de moments qui m'amènent à relier les différents chapitres de mon parcours avec pour fil rouge la foi et pour tournant la naissance de mon fils. Tout ce chemin prend d'autant plus de sens aujourd'hui en acceptant ce défi de la présidence de cette association ! » Née le 28 décembre 1962 en Algérie, alors que ses parents y vivent, elle y passe ses cinq premières années, avant de poursuivre le reste de son enfance et de son adolescence à Marseille. Installée aujourd'hui à Nantes, dans une grande maison donnant sur un jardin arboré, elle garde de son enfance et de ses racines, un appel vers le Sud et vers la culture méditerranéenne. Pourtant, sa route l'a emmenée sur bien d'autres terres.
« En 1981, j'entre à l'ESSEC, école de commerce réputée . Dans ma famille d'ingénieurs, il fallait viser haut ! »
Rapidement, elle trouve le moyen d'aller vers ses vrais intérêts: philosophie, littérature, sociologie, langues étrangères.« Je ressentais déjà le besoin de donner du sens à ce que je faisais, j'ai donc pris une année sabbatique qui m'a menée en Angleterre, en tant que Community Service Volunteer, dans une communauté catholique auprès de jeunes filles placées, âgées de 6 à 16 ans.»
Là, elle apprend l'anglais, mais découvre aussi le monde du travail social. Raisonnable, elle rentre finir ses études en France et se marie à 21 ans, en 1984, avec l'un de ses camarades de promotion.
Tournant radical
Après avoir travaillé chez L'Oréal en mission d'audit interne dans différentes filiales en France et à l'étranger, elle suit son mari muté à New-York.
« Pendant 15 ans ensuite, on a eu cinq enfants dans cinq villes différentes, entre Paris, New-York, Bruxelles, Avignon et Nantes, au fil de nos déménagements.» Mais le 19 juin 2000, son fils Timothée naît avec un lourd handicap. C'est un vrai chamboulement dans la vie de la famille qui décide de se fixer à Nantes pour assurer la continuité des soins du petit garçon.
Un chamboulement qui s'étend rapidement au-delà de la vie strictement personnelle d'Isabelle Richard. « Je me suis très vite engagée dans le monde du handicap. Notamment à travers le réseau fédératif Loisirs Pluriel fondé en 1992 à Rennes, qui rassemble tous les mercredis et durant les vacances scolaires des enfants valides et des enfants en situation de handicap pour qu'ils puissent jouer ensemble. » C'est le début d'un engagement associa tif qui ne s'est pas démenti depuis.
« Tous ces projets auxquels j'ai participé et toutes ces personnes rencontrées dans le monde du handicap ... Sans lui, je n'aurais pas fait tout ça. C'est difficile, mais c'est aussi source de sens et de joie. »
Un sixième bébé
En parallèle du bénévolat pour Loisirs Pluriel, Isabelle Richard se porte volontaire pour travailler sur un projet au sein de l'association du Diaconat Protestant de Nantes. « Nous nous sommes lancés dans la rénovation de la Brise de Mer, une maison de vacances située à Saint-Michel-Chef-Chef. Sans équipe salariée, mener ce chantier a vraiment été mon sixième bébé ! »
Le projet d'envergure nécessite une rénovation de près de 2 millions d'euros et mobilise la mère de famille qui le porte pendant quatre ans, jusqu'à l'ouverture en 2014. Aujourd'hui, c'est un établissement pilote pour l'accueil en vacances des personnes en situation de handicap« 40 % des familles qui ont un enfant handicapé ne partent pas en vacances, donc la création de lieux comme celui-ci, 100 % accessible, est primordiale. »
Labellisée Tourisme et Handicap et récompensée de plusieurs distinctions nationales, la Brise de Mer est un centre de vacances ouvert à tous les publics (handicap, personnes âgées, scolaires, séminaires, réunions familiales... ). Elle emploie aujourd'hui dix personnes, salariées et volontaires en Service Civique. L'objectif est de favoriser la rencontre et la mixité sociale. « Ce premier gros projet dans le secteur de l'économie sociale et solidaire est arrivé à pic : je ressentais un grand besoin de m'investir davantage, à présent que mes enfants avaient grandi.»
De nature passionnée, Isabelle Richard poursuit naturellement son implication dans le Diaconat de Nantes, dont elle devient présidente en 2015. Là, c'est un autre projet qui l'attend, puisque l'action d'Entraide a une vocation d'accueil des personnes en situation de grande précarité. « J'apprends à connaître ce public, qui compte une très grande majorité de personnes migrantes. Nous soutenons plus de 1 000 personnes à travers l'aide alimentaire, les cours de français, les démarches administratives, l'hébergement citoyen, l'aide à la reprise d'emploi... .
Nous cherchons à accompagner les personnes dans la globalité de leur parcours . » Isabelle Richard co-préside également l'association "L'Accueil d'Abord" fondée par les trois Églises chrétiennes, qui héberge des familles déboutées du droit d'asile. « Cinquante personnes sont installées dans nos 12 logements. On les accompagne jusqu'à ce qu'elles soient vraiment autonomes après obtention de leurs papiers et d'un logement. C'est très long : souvent plus de deux ans ! »
Valeurs communes
Le passage à des responsabilités nationales ne se fait pas attendre. Elle devient administratrice à la Fédération de l'entraide protestante (FEP), dont fait partie le Diaconat de Nantes.
À son arrivée dans la Fédération, elle est bien loin d'imaginer se retrouver quelques années plus tard à la tête de cet immense réseau de 800 établissements, 360 associations et comptant 30 000 salariés et bénévoles. « Jusqu'à maintenant, je n'étais pas si engagée et j'avais peu de temps à y consacrer. Je participais tout de même à un groupe de travail qui réfléchissait à la vocation fédérative de la FEP. On cherchait un nouveau président.
Jamais je n'aurais pensé à moi, mais depuis un an, des événements m'ont amenée à croire que c'était envisageable. » Désormais présidente de cette Fédération, Isabelle Richard s'approprie doucement ses nouvelles fonctions. Réunissant des petites associations comme de grandes fondations et œuvrant dans des domaines variés du social, du médico-social et du sanitaire, la FEP est une structure protéiforme. « Mais toutes nos entités sont réunies par un socle de valeurs communes autour de l'engagement, de la solidarité et de la gratuité. Dans les prochains mois, nous souhaitons mieux nous organiser dans nos actions de plaidoyer dans le champ du social au niveau national, mais aussi offrir un appui opérationnel renforcé à nos adhérents pour répondre en réseau à leurs besoins.» Un gros événement se prépare d'ailleurs pour 2020 à Paris:
« Eurodiaconia » qui rassemble tous les 2 ans les représentants du monde social protestant de toute l'Europe.
« C'est un gros défi d'organisation et de programmation pour nous! Ce passage à une autre échelle est impressionnant mais passionnant. .. » •
Juliette Cottin
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