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Une crise socio-économique révélatrice d’une crise du sens

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Copyright Délie Muller
Denis Malherbe est intervenu aux Journées nationales d’avril à Nîmes sur la question : « La crise économique et sociale ».

Depuis les années 1970, la crise ne cesse d’être présente dans l’actualité économique et sociale. Chacun de nous en a des images, voire un vécu. Mais en connaître des manifestations suffit-il à en cerner tout le sens ? La crise n’est-elle pas aussi crise du sens ?

D’un point de vue socio-économique,  les indicateurs ne manquent pas.

Description sociale et économique de la crise
Ils expriment autant des variations à court/moyen terme qu’ils rendent compte d’évolutions historiques. Ainsi, le Produit Intérieur Brut par habitant (PIB/H) mesure la création de richesse rapportée à la population d’un pays. En France, de 1950 à 2014, cet indice exprimé en euros constants a presque été multiplié par 7. Mais la tendance ne doit pas masquer les effets concrets de la suite, depuis 40 ans, des chocs pétroliers, tensions monétaires et éclatements de bulles financières.
Le repli du PIB/H entre 2007 et 2012 signe le passage d’une crise financière et bancaire à une crise économique et sociale. Or, cette dernière se joue dans un contexte marqué par le chômage des jeunes et des salariés âgés, l’endettement public et privé, la précarité sanitaire et sociale des plus fragiles.
L’amélioration historique du niveau de vie moyen ne contredit ni la crise actuelle, ni les précédentes depuis 1973. Toutes témoignent d’une logique de croissance avec son cortège de mutations : poussée technologique, mondialisation commerciale restructurations productives, Euro fort et moins-disant fiscal ou social…
Un autre descripteur, l’Indice de Développement Humain, évalue chaque État en termes de richesse, d’espérance de vie et d’éducation. Il éclaire crûment le fossé planétaire entre les pays du Sud et ceux du Nord. Mais même parmi ces derniers, le tableau est nuancé. Ainsi, la France associe un degré moyen d’inégalités socio-économiques à un niveau élevé d’inégalités scolaires. Et là encore, il s’agit de moyennes.

Au-delà des chiffres, la crise du sens
Vouloir décrire la crise par des indices ne suffi t pas. Les moyennes ne disent rien de concret sur les inégalités dont la crise se nourrit autant qu’elle les creuse. L’exposition à la crise n’est pas uniforme dans l’espace français. Les déséquilibres s’y sont accentués au fil des dernières décennies. À côté d’une France « urbaine privilégiée » et de ses « douces franges », il existe d’autres territoires : ceux des « marges, du vieillissement ou des problèmes urbains »1. Différenciatrice, la crise expose au risque de perdre le sens du vivre ensemble, de ce qui fait société, cité et humanité. Parler de crise ici et ailleurs, c’est comprendre des situations impliquant douloureusement des êtres humains, dans leur vie collective et dans leur être personnel. La crise a un sens : elle est crise du sens.
Inséparable de quarante années de transformations du monde, la crise subordonne l’humanité à la production, puis la production à la finance. Elle fabrique un monde où « être soi et pour soi » l’emporte sur « être avec et pour les autres »2. Son obsession de la performance économique tourne à l’idolâtrie. Substituant l’ordre immanent des moyens à la transcendance, la crise réduit les êtres humains à des objets abstraits et prétend même justifi er cette absurdité par de fausses rationalités. Face à elle, grand est le défi éthique pour ceux qui se réclament d’un humanisme chrétien. Les si nombreuses personnes en difficulté, en danger, en souffrance témoignent du mystère de l’incarnation. Défi pressant au respect individuel et collectif de la dignité humaine, la crise est un appel à la responsabilité et donc à l’action !

1- S. Haas, E. Vigneron (2013), La France
des fragilités et des dynamismes territoriaux,
FEHAP
2- J. Généreux (2006), La dissociété, Seuil

 

Denis Malherbe
Consultant et professeur à France Business School à Tours

Source : Regards, Proteste n°138, juin 2014



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