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À lire dans notre revue Proteste : la famille, lieu de transmission

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Le commandement qui revient le plus grand nombre de fois dans le Premier Testament est : « Tu diras à ton enfant. » Il est au cœur de la profession de foi d’Israël[1].

 

La transmission est à la base de la civilisation, selon la réflexion de la philosophe Nathalie Sarthou-Lajus : « Sans transmission, il n’y a plus de mémoire des origines, plus de projection dans le futur, il n’y a plus de culture et nous basculons dans la barbarie[2]. » Tout le monde est d’accord pour transmettre, mais comment s’y prendre ?

Se souvenir du pain

Dans la parabole du fils prodigue, un moment charnière advient au moment où le fils qui a quitté sa famille se trouve en échec. Le texte dit qu’il s’est souvenu que, dans la maison de son père, il y avait du pain[3]. Le but de la transmission n’est sûrement pas d’empêcher les enfants de vivre leurs aventures, mais d’espérer qu’ils gardent la mémoire de ce qui a été vécu en famille et du pain qu’il y avait à la table de la maison.

La famille est le premier lieu de transmission quand elle est un espace où circulent la parole et l’amour. L’enfant reçoit à la naissance un visage, un nom, une mère, souvent un père, une nationalité, une famille en héritage. Bientôt il apprendra une langue pour s’exprimer et appréhender ce qui l’entoure. Il existe une analogie entre la famille et la langue maternelle. La linguistique a montré que la langue que nous parlons façonne notre façon de penser : on ne pense pas de la même façon en français, en hébreu et en chinois, car c’est avec un vocabulaire et une grammaire qu’on réfléchit.

De la même manière, par sa vie et son organisation, ses relations et son emploi du temps, la famille transmet à l’enfant ce qui est bien et mal, grand et petit, beau et laid. À travers la vie quotidienne, l’enfant apprend l’hospitalité, la place de l’autre et du différent, il sent si un étranger est une chance ou une menace, il découvre la générosité ou l’avarice, l’autorité et la liberté, la part du possible et du souhaitable, le sens de Dieu.

 

Apprivoiser le temps

C’est dans la famille enfin que s’apprivoisent les différentes dimensions du temps. Le temps linéaire qui mesure notre existence biologique : nous naissons, nous grandissons, nous vieillissons et nous mourrons. Les anciens laissent la place aux plus jeunes. Les vieillards lisent l’avenir dans les yeux de leurs descendants et les enfants apprennent le sens de la vie dans le regard des anciens.

Cette approche se croise avec le temps cyclique des semaines et des dimanches, des anniversaires et des saisons. Les cycles, les rites et les liturgies apprennent à structurer le temps pour donner du sens et découvrir la richesse de la vie qui s’écoule. Je me souviens d’une chronique judiciaire qui parlait d’une femme qui avait abandonné ses enfants : « Elle vient d’une famille un peu triste dans laquelle on ne fêtait jamais les anniversaires. » Quel chagrin ! Ne pas fêter un anniversaire, c’est ne jamais dire à un enfant qu’il a grandi, ne jamais le mettre en valeur pour lui rappeler qu’il est une personne très importante pour ses proches. Chaque famille a ses rites et ses habitudes qui créent une identité.

Le dernier verset du Premier Testament parle d’une réconciliation en disant, à propos d’Élie qui annonce la venue du Messie : « Il ramènera le cœur des pères vers les fils et le cœur des fils vers leurs pères[4]. » Il arrive un moment où la transmission s’inverse et où les enfants apprennent aux parents autant que les parents aux enfants.

Transmettre, c’est permettre à chacun d’occuper sa juste place dans la cascade des générations.

 

Antoine Nouis, théologien protestant[5]

 

[1] Deutéronome 6.1-9.
[2] Nathalie Sarthou-Lajus, Le Geste de transmettre, Paris, Bayard, 2017, p. 12.
[3] Luc 15.17.
[4] Malachie 3.24.
[5] Pour aller plus loin : Antoine Nouis, Lettre à mes enfants éloignés de l’Église pour leur raconter ma foi, Paris, Labor et Fides, 2023.


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