Paroles du Comité Citoyen pour l'accueil des réfugiés en Pays Marennes Oléron
« Une résilience exceptionnelle » ! C’est ainsi qu’au fil des visioconférences organisées par la FEP pendant le confinement, les collectifs, quasi unanimement, rendaient compte du moral des familles accueillies. Cela nous rassurait, nous, les accueillants, contraints dans nos mouvements, souvent déstabilisés par les informations contradictoires, inquiets de ne pas pouvoir garder aussi présentes et vivantes que possible les relations d’aide et d’amitié tissées avec chacune des familles. Mais pouvait-on, à coup sûr, croire sur parole que, oui, tout allait très bien, qu’avoir connu bien pire rendait l’isolement moins pesant, l’inquiétude moins brûlante ? Et si la gentillesse, le souci de ne pas être exigeant avaient camouflé une plus grande fragilité ?
Par tempérament et situation, Mariam, Sondos et Nabeela, Diana, Deema n’ont pas traversé les trois derniers mois de la même façon. Toutes s’accordent pour dire que cette période de calme leur avait permis d’évacuer une pression longtemps accumulée.
Arrivées fin novembre les quatre premières avaient déjà pris leurs marques à la mi-mars. Le fils de Diana, tout de suite scolarisé, a fait des progrès stupéfiants en français et l’accompagnement scolaire de son institutrice pendant le confinement a été soutenu et d’une grande efficacité. Deux bénévoles ont suivi Diana quotidiennement par téléphone dans son apprentissage du français. Mère et fils partagent le même caractère décidé, entreprenant et ouvert aux apprentissages. L’un et l’autre ont vite maîtrisé le vélo et n’hésitent pas à parcourir des kilomètres pour aller cueillir des feuilles de vigne d’une exploitation à l’abandon. Au programme des jours, selon le temps et l’envie, balades, cuisine, jeux, lecture de la Bible, longues siestes … « Parfois on s’ennuyait, mais jamais on n’a eu peur. C’était presque la vie normale ».
Deema est arrivée à Oléron au dernier jour de janvier. Entre vacances d’hiver et début du confinement son fils n’a eu que deux petites semaines d’école. Pas suffisant pour appréhender facilement l’enseignement via les plateformes officielles de l’Education nationale. Même calendrier pour l’organisme de formation où Deema suivait des cours de français trois fois par semaine. Moins de relais de bénévoles et des visites trop brèves pour de l’enseignement, la situation fut donc moins facile pour eux. Restaient quelques émissions de télévision et « Internet pour s’informer, pour le français et surtout communiquer avec ma famille en Syrie, au Liban et en Allemagne. J’ai l’habitude de travailler, de voir des gens. » Deema rêve de reprendre des cours de fitness, mais les salles de sport sont fermées jusqu’à l‘automne. « Wardan et moi avons fait du sport à la maison. Une fois par semaine je vais au supermarché acheter de la nourriture. Pendant le Ramadan les journées étaient très longues. L’important est que nous nous sentons en sécurité et rassurés. »
Mariam et ses deux filles partagent le jardin avec Christine, leur hébergeuse, ce qui a permis de poursuivre les cours en respectant la distanciation physique. Excentrées dans le nord de l’île, un réseau fidèle a continué de les entourer, mais elles étaient « tristes d’avoir moins de longues visites » et de ne pas avoir pu inviter tout le monde pour l’anniversaire de Mariam. Très respectueuses des consignes gouvernementales, il a fallu quelque temps pour qu’elles s’aventurent à pied ou à vélo dans le tout petit village. Un jour qu’elle se promenait autour de la maison, Sondos a été contrôlée. « J’ai montré mon attestation dans le mauvais sens. Cela a fait rire la policière. Moi aussi. » Les deux sœurs sont attentives à Mariam qui s’aventure à petits pas dans le jardin. « On a peur de lui transmettre la maladie. » Nabeela, toujours active, entre cuisine, ménage intensif, révision de cours et sport quotidien, réalise au crochet avec une rapidité déconcertante sacs, gilets, chapeaux … pour elle, la famille, les amis, pour qui veut. Les idées foisonnent mais le stock de fil, de coton, laine s’amenuise.
Pas plus que Deema ou Diana, la famille Tamim ne s’agace des effets du confinement sur le traitement des dossiers, OFPRA, Sécurité sociale … des rendez-vous annulés, des dossiers égarés. Chaque petite avancée mérite le V de la victoire, comme l’exprime Nabeela sur la photo prise devant l’OFII qui vient de leur remettre la nouvelle carte ADA. « Nous avons confiance en vous ». C’est donc vrai : tout va bien !
Sabine Albertini, membre du Comité Citoyen pour l'accueil des réfugiés en Pays Marennes Oléron