Devant le « désastre humanitaire et sanitaire » que représente la situation des personnes sans papiers présentes sur le sol français aujourd'hui, des collectivités territoriales, élu·e·s, acteurs de la solidarité et personnalités de la société civile demandent au gouvernement la régularisation inconditionnelle et pérenne des personnes sans papiers. « Pour se relever, notre pays aura besoin de mobiliser tous ceux qui sont à son bord »
Partout dans le monde, les États et leur population sont frappés de plein fouet par une crise sanitaire sans précédent. Le Covid-19 ignorant les frontières, nous rappelle à quel point nos destins sont liés, et combien nous sommes tou·te·s d’une certaine manière « colocaterre ». Cette situation inédite bouleverse nos sociétés tant sur le plan social, économique que politique et met à l’épreuve et révèle les fragilités des systèmes de santé et des dispositifs de solidarité. La crise sanitaire accroît les inégalités sociales.
Pour les personnes victimes de pauvreté, c’est la double peine, pour celles qui sont en plus « sans papiers » c’est la triple peine.
À la précarité sociale et sanitaire s’ajoute la précarité administrative et avec elle, son cortège d’exclusions : l’hébergement, le travail, la formation, le fait de devoir se cacher, d’être sous le joug de la menace constamment. Ce virus impose à notre République de réagir avec raison. La régularisation inconditionnelle et pérenne de l’ensemble des personnes migrantes représente non seulement une réponse éthique et morale qui s’inscrit dans le respect de la dignité et des droits fondamentaux, mais également une réponse aux enjeux auxquels fait face notre pays en termes de santé publique, d’économie et de lien social.
Les personnes sans papiers sont fortement exposées au virus, vivant soit dans la rue, soit dans des lieux communs (collectifs très souvent impropres à l’habitation) excluant toute distanciation sociale. Elles doivent se déplacer -parfois loin- pour trouver nourriture et soins, les exposant davantage au virus mais aussi aux amendes liées aux dérogations de sortie. Cet impossible confinement est préjudiciable à chacune de ces personnes comme à l’ensemble de la collectivité. Les personnes se retrouvent otages, sans droit, d’une situation inhumaine qui les condamne à survivre en attendant d’être expulsé·e·s contre leur gré. Permettre à ces personnes, familles, enfants d’avoir des conditions de vie et de confinement dignes constitue une mesure de santé publique et d'intérêt général.
À la crise sanitaire va s’additionner une crise économique. Pour se relever, notre pays aura besoin de mobiliser tous ceux qui sont à son bord. Les migrant·e·s font déjà partie de l’équipage, la régularisation des sans-papiers leur permettrait de poursuivre dans un cadre légal leur contribution à l’effort collectif, en partageant droits et devoirs dont celui de travailler, de payer des impôts sur le revenu etc. De l’autonomie découle une forme de reconnaissance qui permet à tout être humain d’être reconnu comme un membre de la collectivité. Une régularisation répond donc non seulement à des enjeux sanitaires et économiques mais aussi sociétaux car elle constitue une condition essentielle pour faire société.
C’est pourquoi, en complémentarité avec les initiatives déjà impulsées, collectivités, élu·e·s locaux, nationaux et européens, actrices et acteurs de la solidarité dans leur grande pluralité, de la société civile dont les personnes sans papiers, nous souhaitons nous unir à travers cette tribune pour demander à l’État :
- La régularisation inconditionnelle des personnes sans papiers sur l'ensemble du territoire français y compris les départements et territoires d’Outre-Mer. Aucune discrimination ne saurait être tolérée quant à l’accès au droit, à la protection et aux conditions minimales de survie, encore moins en temps de crise sanitaire d’où le besoin de mesures en conséquence.
- La régularisation pérenne de tous les sans-papiers. Il serait impensable de mettre une date de fin de régularisation alors qu’il nous est impossible de mettre une date de fin d’épidémie.
- L’accès à un logement ou à défaut à un hébergement adapté à l’ensemble des personnes aujourd’hui contraintes d’être sans-abri ainsi que la possibilité d’avoir accès à un accompagnement social afin d’être épaulées dans l’ensemble des démarches administratives, d’accès aux droits ou aux soins. Pour que les collectivités territoriales et les réseaux associatifs locaux et les citoyen·ne·s puissent prendre part à cet accompagnement, l’État français doit leur en donner les moyens.
« Il est temps de repenser nos sociétés pour qu’elles soient plus solidaires et plus respectueuses des droits humains » : ainsi concluait lundi 13 avril 2020 Monsieur le Président de la république Emmanuel Macron. Nous lui demandons de traduire ses mots en actes. À l’heure où cette crise sanitaire met entre parenthèse une part de nos libertés, donnons nous les moyens de faire primer l’égalité et la fraternité.
Tribune coordonnée par l’Association Nationale des Villes et Territoires Accueillants (ANVITA) et co-signée par la FEP et de nombreux partenaires comme Emmaüs International, CCFD-Terre Solidaire, Médecin du Monde, La Cimade...
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