“ Ne nous oubliez-pas, on est français aussi ! ”, tel est le cri d'alarme lancé par les gens du voyage pendant la traversée de ce temps si « extra ordinaire » !
Cette crise sanitaire n’épargne personne, nous le savons, mais il y a ceux pour qui vivre un confinement ressemble un peu à une double peine !
Et au début de cette période, certains ont ressenti un sentiment d’invisibilité.
Des injonctions ont pourtant été prises par la DIHAL en leur faveur mais la réalité du terrain est souvent toute autre !
Peut-on parler de mise à l’abri pour les gens du voyage quand certains se trouvent orientés vers des aires d‘accueil déjà surchargées où la promiscuité rendant difficile le respect des distances préconisées tend à favoriser la propagation du virus et la contamination au sein des familles !
Comment mettre en œuvre les gestes barrières, ne serait-ce que se laver les mains, quand des campements se trouvent sans point d’eau ?
En dépit des recommandations de la DIHAL préconisant l’accès aux fluides (eau et électricité) et le ramassage des ordures ménagères, l’accès à l’électricité ne fut pas de mise pour tous, certaines communes refusant d’entrer dans ces considérations craignant certainement d’accuser ainsi réception d’une possibilité de domiciliation.
Dans ce contexte, force est de constater une aggravation de la pauvreté encore présente aujourd’hui.
Les difficultés financières engendrées par l’arrêt du travail pendant le confinement ; l’accès aux biens essentiels pas toujours couverts ; les verbalisations, voire évacuations, abusives par les forces de l’ordre alors que des familles s’installaient dans l’urgence sur des parkings de supermarché fermés n’ayant pas d’autre choix ; la peur de la contamination ; autant de facteurs qui ont fragilisé la situation des gens du voyage, souvent inquiets quant à l’avenir en ce temps de déconfinement.
Sur le terrain, de nombreuses associations accompagnent les gens du voyage et restent attentifs à leurs besoins et préoccupations de tous ordres.
Et comme l’exprime Louis Maurin*, « Contrairement à certaines idées reçues, il y a un attachement extrêmement puissant dans ce pays à la solidarité » ; cela fait du bien !
Ainsi durant cette période de confinement, la nature humaine pouvant se révéler sous ses meilleurs auspices, de belles initiatives ont vu le jour.
En région parisienne, avec l’entraide tzigane, un réseau s’est mis en place pour permettre la distribution de colis alimentaires auprès de nombreuses églises et plusieurs aires d'accueil, au bénéfice d'une quarantaine de familles par lieu de distribution. Pour que cet élan prenne vie : un camion prêté pour la collecte auprès de la Banque alimentaire, une maison mise à disposition pour l’entrepôt et la préparation des colis, des masques, des gants et du gel hydroalcoolique, donnés par l’Armée du salut pour les distributions. Une belle solidarité qui ne demande qu’à susciter de nouvelles initiatives.
Néanmoins, à l’heure du déconfinement, les gens du voyage ne sont pas sereins.
Des risques financiers pèsent sur cette population fragilisée par la crise sanitaire, la fracture médicale s’est parfois aggravée et les besoins alimentaires augmentent, de nouvelles personnes se trouvant dans une situation précaire à la sortie du confinement.
De plus l’itinérance et les rassemblements de communautés qui sont l’essence même de leur vie ne sont pas encore à l’ordre du jour.
« Nous traversons aujourd’hui une épreuve commune, qui met en lumière les inégalités et leurs conséquences concrètes. On peut espérer qu’elle marque aussi un tournant qui permette de repenser les solidarités et de remettre le bien commun au centre du jeu » dit Louis Maurin.
Il s’agit bien de repenser les solidarités et ne pas se tromper de combat comme on peut le lire dans ces propos d’un maire d’une commune de Seine-et-Marne qui, à la veille du déconfinement, publiait un communiqué intitulé « Vigilance gens du voyage » tentant de mobiliser largement pour ne pas les accueillir ! :
« J’en appelle à votre vigilance et à votre solidarité pour que dès que vous voyez une caravane circuler dans notre village pour contacter les services compétents » !
Ces propos (dont la formulation ne relève pas de la langue de Molière) sont malheureusement loin d’être uniques et résonnent encore plus douloureusement en cette période. Les gens du voyage se confrontent régulièrement à l’hostilité des collectivités et des élus locaux, qui tardent, ou parfois refusent, à mettre en place les structures d’accueils nécessaires, même en période de crise sanitaire. On peut là encore parler de double peine !
Alors, en toute fraternité, dans la confiance et l’espérance, restons vigilants et soyons bienveillants en n’oubliant personne dans la redistribution des cartes d’un monde plus solidaire !
*Louis Maurin est journaliste et directeur de l’Observatoire des inégalités.