22.04.2020
Lutte contre les exclusions
Vie fédérative
FEP - Nord - Normandie - Île-de-France
Rencontre avec Vincent Morival, directeur du pôle logement au sein de l’ABEJ Solidarité, à Lille. Il partage avec nous la vie, en période de confinement, au sein d’un centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et de quatre pensions de famille.
Le CHRS « Rosa Parks » accueille 110 personnes venant de la rue dont la moitié est en chambre et l’autre en appartement. Les pensions de famille sont de plus petites unités accueillant des personnes plus autonomes. Un repas en commun est organisé toutes les semaines. Il y a des activités inter pensions de famille.
Bonjour Vincent, pouvez-vous nous décrire la situation sur le terrain ?
Au début de la période de confinement, pendant 15 jours, tout s’est arrêté, le temps de prendre nos marques. Le taux d’absentéisme au niveau du personnel, pour des motifs divers, a entraîné une réorganisation.
Dans les pensions de famille, les activités collectives ont cessé de même que la prise en commun d’un repas par semaine. Dans chaque pension, les résidents sont confinés dans leur appartement et une présence est assurée tous les matins.
Au sein du CHRS, les quinze premiers jours, nous avons demandé aux bénévoles de ne plus venir le temps de prendre les précautions pour éviter que le virus circule.
Après l’obtention d’une autorisation de la DDCS, un appel a été lancé et de nombreux bénévoles nous ont rejoints. Dans l’ensemble, le confinement s’adresse à tous mais il ne se conjugue pas de la même façon pour chacun. 40% sortent une fois par semaine pour faire leurs courses et cela reste compliqué pour 10 à 15% des personnes ayant des addictions. Notre travail est d’accompagner ces adultes, en négociant sur le confinement car l’objectif est de ne pas les laisser à la rue où ils seraient en danger.
Quels sont les moyens mis en œuvre ?
Dans les pensions de famille, le respect des gestes barrières et des mesures de protection a permis aux résidents, au bout des deux premières semaines, de pouvoir prendre en commun le petit-déjeuner et le café. Ces temps partagés permettent d’éviter l’isolement et de préserver le lien social.
Les salariés font preuve d’inventivité pour permettre de proposer quelques animations, tel un barbecue, chacun à sa place, à l’extérieur dans le respect des distances ou encore un tournoi de belote avec cartes désinfectées et masques.
Dans le CHRS, nous avons mis en place les gestes barrières :
- Contrôle de la température deux à trois fois par jour (dans les chambres ou au réfectoire)
- Changement de l’organisation du réfectoire. La capacité d’accueil a été diminuée de moitié pour respecter les espaces. Le gel hydroalcoolique est de rigueur et obligatoire à l’entrée de la salle.
- Plus de self-service mais distribution des repas à la place et ils sont ravis, ayant l’impression d’être au restaurant.
- Toute l’équipe porte un masque en tissu et non chirurgical car ces établissements sociaux ne sont pas prioritaires quant à l’obtention de ces derniers.
- Désinfection de la place dès que quelqu’un a pris son repas
Nous apportons des plateaux, dans les chambres, à ceux confinés qui présentent de fortes co- morbidités. Deux appartements ont été gelés pour isoler des personnes en suspicion de COVID-19. Certains ont présenté des signes, bien que négatifs aux tests.
Actuellement, il y deux bénévoles présents matin, midi et soir et c’est une véritable richesse. Des personnes en chômage partiel se sont même présentées pour assurer les toilettes des personnes et le service de lingerie.
Il y a une forte mobilisation de tous les soignants. Grâce à la solidarité interne au sein de l’ABEJ Solidarité, nous bénéficions d’une bonne aide médicale. Une infirmière est mise à disposition dans le service. Deux médecins assurent des permanences deux jours par semaine. Cela rassure tout le monde. Un psychologue et un infirmier psychiatrique peuvent également intervenir par téléphone.
Depuis une dizaine de jours, nous avons relancé quelques activités à l’intérieur du CHRS : activité de jardinage, jeux d’extérieur et même un concert a été donné au réfectoire, toujours dans le respect des distances sanitaires.
Quelles sont les difficultés rencontrées ?
Le confinement aléatoire pour certains et le risque de laisser entrer le virus au sein du CHRS est une difficulté à gérer. Certains salariés ont eu peur d’être contaminés et se sont mis en arrêt car cela générait en eux une angoisse qui pouvait être ressentie par les résidents.
Les associations engagées dans l’aide alimentaire, comme les restos du cœur et le secours populaire, ont fermé pendant le temps du confinement. Nous avons donc dû procéder à de nombreux dépannages.
Dans un premier temps, l’accès aux ressources financières a également été un souci, car l’accès aux bureaux de poste était limité.
D’autre part, n’ayant plus la possibilité de faire leurs courses en Belgique (tabac) où les produits sont moins chers, les difficultés financières sont apparues plus tôt dans le mois pour une partie de nos résidents. On leur apporte des aides avec des colis alimentaires ou des chèques services pour ceux qui sont plus autonomes.
Mais dans ces moments difficiles, nous vivons un véritable élan de solidarité. Les gens ont participé activement à la campagne d’appel aux dons lancée par l’ABEJ Solidarité. Nous avons également reçu des dons d’épiceries solidaires et de restaurants auxquels nous sommes très sensibles.
Quand l’heure du déconfinement sonnera, nous savons que ce temps va s’inscrire dans la durée, mais nous aurons à cœur de continuer à favoriser le lien social. Ainsi, dans le respect des gestes barrières, nous remettrons en route les repas collectifs dans les pensions de famille.
Propos recueillis par Laure Miquel, secrétaire régionale FEP Nord Normandie