Été 2017, dans la presse comme dans le discours officiel, à chaque fois que des débordements apparaissent les arguments restent désespérément les mêmes. C’est toujours le même regard négatif et violent : les municipalités « subissent l'occupation illicite des caravanes », « la police est là à chaque intrusion [des Gens du Voyage] »... Et toujours le même regret, exprimé par les services de l’État, d’être dans l'impossibilité d'appliquer plus efficacement des mesures d'expulsions. Les Gens du Voyage sont alors présentés comme une menace, considérés comme des intrus violents et contrevenants aux lois !
Or c’est la loi qui fixe aux communes depuis plus de 15 ans l’obligation d’accueillir les familles qui vivent en résidences mobiles. Pourtant la majorité des communes ou intercommunalités, en Essonne où nous avons choisi de mener une première bataille comme ailleurs, ne sont toujours pas en règle avec le schéma départemental qui en fixe la mise en œuvre. Qu’elles soient ou non sédentarisées, les familles dites « Gens du Voyage », qui devraient être considérées comme les premières victimes de ces carences, sont toujours renvoyées à la culpabilité d’un mode de vie méprisé et incompris. Ancrage, grands passages, mobilité… les problématiques se croisent et des amalgames s’opèrent dans l’esprit de beaucoup ; incompréhension et stigmatisation : malgré la recherche d’apaisement de quelques-uns, on est toujours cet été 2017 loin du discours respectueux et inclusif de la culture et du mode de vie non-sédentaire.
Les grands passages
On sait par exemple qu’entre avril et octobre divers groupes de familles, qui chacun rassemblent plusieurs dizaines de caravanes, sillonnent les routes d’un point à un autre de l’hexagone. Pour les tziganes évangéliques, ces temps de partage et de rencontre traditionnels sont organisés chaque année depuis le mois de février avec les préfectures et déclarés par l’Association ASNIT-AGP. Pour les catholiques, il s’agit de rassemblements pour des pèlerinages séculaires, comme à Lourdes ou aux Saintes Maries de la Mer. Pour d’autres, ce sont encore les activités professionnelles qui motivent les déplacements...
Or bien souvent, et quels que soient les groupes qui devraient pouvoir y être accueillis, les aires de grand passage sont manquantes ou pas adaptées à l’accueil de ces centaines de caravanes. Les groupes sont alors contraints de s'installer de manière illégale où ils peuvent et les conflits avec les préfectures, les riverains, les communes et les intercommunalités sont réanimés. Une image négative des voyageurs est alors bien souvent exploitée dans les médias.
C’est parce que depuis des années les collectivités refusent de prendre en compte la mobilité des grands passages de l’été que les caravanes sont forcées de stationner dans l'illégalité.
Mobilité et ancrage : les deux pôles du mode de vie mobile
Le mode de vie mobile s'articule depuis toujours autour d'une période de mobilité et une période de séjour plus ou moins prolongée sur des terrains privatifs ou non. Mobilité et ancrage régissent la vie de famille et le travail professionnel. Mais les conditions pour le respect de ces droits sont négligées : le droit de circuler et le droit de choisir son lieu de résidence sont des droits fondamentaux qui ne sont pourtant pas reconnus aux Gens du Voyage en raison de leur mode d'habitat.
La loi Besson, adoptée en 2000 pour encadrer l’itinérance, constitue aujourd’hui l’unique réponse d’habitat pour l'accueil des « Gens du Voyage ». Un tel système, aggravé par le principe d'intercommunalité, ne répond ni aux besoins ni au fonctionnement des familles mais au contraire dresse une entrave au mode de vie mobile. La législation interdit la quasi-totalité du territoire à l'habitat mobile : les Gens du Voyage sont cantonnés dans un nombre de lieux restreints- les aires d'accueil ; et les communes refusent l’installation des résidences mobiles sur les terrains privés : la quasi-totalité des Plans Locaux d’Urbanisme l’interdisent purement et simplement ; les caravanes sont classée "constructions illicites" et placées d’office dans l’illégalité.
C'est parce que depuis des années les collectivités refusent de prendre en compte ces besoins en habitat en période d'itinérance ou en période d'ancrage que les familles sont contraintes de recourir aux stationnements et aux installations illicites.
Une confusion entretenue
Ne parler dans le courant de l’été que des stationnements illicites, c’est orienter volontairement le débat sur le respect ou non du schéma départemental d’accueil et lui seul. Or ce sont les collectivités qui sont en l’occurrence hors la loi : la préfecture (comme l’indique la préfète de l’Essonne dans une récente conférence de presse (Essonne : la mise au point de la préfète après les ... - Le Parisien), ne prêtera son concours qu’aux collectivités qui ont rempli leurs obligations, pas aux autres...
Or en parlant seulement d’installation il résulte, d’une part, que la confusion entre stationnement et ancrage persiste dans l’esprit de tous mais surtout qu’à aucun moment ne sont abordées les conséquences de la politique mise en œuvre pour prévenir et lutter contre les installations illégales sur la vie des familles : mises en demeure, destructions forcées, constat des infractions, décisions d’expulsion sans solution de relogement....
Respect de la vie familiale
« Une mesure de remise en état [consistant dans la démolition de la maison d'habitation du prévenu] ne doit pas porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie familiale. » C’est l’essentiel d’un arrêt rendu par la Cour de cassation en janvier dernier (Cass crim 31 janvier 2017 n°16-82 945). Témoignant de l’attachement de la Haute Juridiction à la Convention Européenne des droits de l’Homme, elle dénonce ainsi les ingérences et les contraventions qui continuent d’être commises sur un droit garanti : celui du respect de la vie familiale.
C’est une part du problème qui est posé aujourd’hui aux Gens du Voyage dont le mode de vie n’est toujours pas admis par les codes nationaux.
L’Association Protestante des Amis des tziganes, avec les associations qui portent le même attachement à leur défense, est mobilisée pour travailler aux changements nécessaires de points de vue et de droit des Tziganes et Gens du Voyage. Elle fait appel à toutes les personnes qui pourront s’engager à leurs côtés pour modifier cet état de fait.
APATZI, le 6 juillet 2017
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