13.07.2017
Lutte contre les exclusions
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À Condé-sur-Sarthe, banlieue d’Alençon, existe la prison la plus sécurisée de France qui reçoit les détenus les plus « durs ». Non loin de là existe une association, Handi’chiens, qui éduque des chiens d’assistance pour des personnes qui souffrent d’un handicap. Les deux se sont rencontrées afin de mettre en place des ateliers de médiation animale. À la clef, des résultats plus que positifs.
« Quand j’ai vu construire la prison, explique Sophie Lasne, je me suis dit que l’on pourrait essayer de proposer une médiation animale pour ceux qui sont enfermés dans ces murs, je savais que cela existait dans certaines prisons américaines ». L’administration pénitentiaire reçoit la demande avec intérêt mais souhaite commencer l’expérience dans un quartier de la prison réservé aux peines aménagées, où les détenus préparent leur réinsertion. Devant les résultats très positifs, l’expérience est étendue au bout d'un an aux autres quartiers de la prison. Sophie Lasne travaille avec les services sociaux de la prison et le service médical, qui lui adressent les personnes détenues qui semblent en avoir le plus besoin. Sophie Lasne s’occupe de trois groupes de quatre personnes à raison d’une heure par semaine et par groupe. Chacun s’occupe du même chien pendant six mois. « Il faut bien leur faire comprendre, dit Sophie Lasne, que les chiens dont ils vont s’occuper sont un peu spéciaux car, au bout de six mois, ils vont être remis à un enfant autiste ou un adulte en situation de handicap ». La particularité et l’originalité de cette médiation animale est que tous les chiens sont en formation en vue de devenir chien d’assistance, chien d’éveil ou chien d’accompagnement social. Leur apprentissage dure deux ans : un an et demi en famille d’accueil et six mois au sein de l’association. C’est au cours de cette dernière phase que les personnes détenues, qui participent ainsi à leur formation, les reçoivent. Savoir que ce qu’ils vont faire avec leur chien va bénéficier à d’autres est très important. Le chien devient presque l’image de la personne handicapée. La conscience de l’autre naît progressivement chez des personnes dont le crime est souvent d’avoir nié à l’autre son existence. « C’est vraiment une mesure réparatrice, insiste Sophie Lasne, ils sont dans un respect et un souci de bien faire. Quand ils ont le chien entre les mains, ils ont conscience de l’enjeu de leur mission ».
L’animal est ici médiateur vers l’humain
L’heure commence généralement par une séance de toilettage, car prendre soin du chien c’est aussi travailler sur l’image de soi. La séance se poursuit par des exercices d’obéissance et de motricité. L’association ne travaille que sur l’éducation positive, c’est-à-dire que pour que le chien exécute l’ordre demandé il faut travailler l'intonation et la posture et ne jamais être dans l’invective ou la violence. Sophie Lasne perçoit que cette éducation canine renvoie les détenus à leur propre éducation ou à l’éducation qu’ils ont donnée à leur enfant, éducation compliquée et rarement positive. « Cela les ramène à ce qu’ils ne veulent plus faire », dit-elle. Un mois avant que le chien regagne sa future famille adoptive, Sophie Lasne prépare les participants à la séparation. Cela se passe généralement bien car ils savent que les chiens partent pour la bonne cause même si, parfois, la séparation peut être douloureuse. « Après, dit-elle, je leur ramène des photos du chien dans son nouvel environnement. Je leur raconte avec qui il est parti, dans quel endroit il est ». Puis un autre chien arrive pour parfaire sa formation de chien d’assistance pendant six autres mois, et ainsi de suite. L’animal est ici médiateur vers l’humain. En s’occupant du chien on redécouvre la vraie valeur de son humanité. « Les séances de médiation, c’est comme un parloir », dira l’un des participants.
Brice Deymié,
Aumônier national des prisons, Fédération protestante de France
Pour plus de renseignements sur l’association Handi’chiens : www.handichiens.org