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Portrait : le cas de conscience de Mohamad et Sultan

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Ces deux jeunes de 14 et 15 ans, arrivés peu avant Noël, ont trouvé refuge dans une ancienne caravane. En effet depuis l’été 2015, beaucoup de gens des environs de Calais ou des pays voisins, ont apporté leur vieille caravane qui pourrissait au fond du jardin pour en faire un abri de fortune pour des réfugiés. Mohamad et Sultan sont des cousins afghans, leurs mères sont réfugiées au Pakistan avec les jeunes frères et sœurs, les pères ont été tués par les talibans ; tous deux parlent bien l’anglais car au Pakistan ils sont allés dans des écoles anglaises ; le frère de leurs mères est à Londres depuis 17 ans, il fabrique des pizzas, ils ne le connaissent pas puisqu’il a quitté l’Afghanistan avant leur naissance.

 

Rester propre
Mohamad et Sultan tiennent beaucoup à prendre des douches régulières et à être proprement habillés. Le centre Jules Ferry, ancien centre aéré de la ville de Calais, situé en bordure du campement, récupéré par l’Etat pour en faire le lieu des services offerts aux migrants, propose des douches : mais la douche est limité à 3 minutes; Mohamad qui porte deux pantalons l’un sur l’autre, trois pulls et deux paires de chaussettes explique que la première fois, il n’a même pas eu le temps de se déshabiller ! Parfois ils sont venus chez nous prendre une douche mais comme cela n’en finissait pas, mon mari leur a dit « qu’on ne restait pas plus de 15 minutes dans la douche », ce à quoi ils nous ont gentiment répondu que chez eux « le hammam durait 1heure » ! Et puis il y a le problème de l’entretien du linge : sur Jules Ferry, vous avez des lave-linge mais comment faire sécher le linge dehors, en plein hiver, à quelques centaines de mètres de la mer et de son air humide ? Alors Mohamad et Sultan jettent leurs vêtements dès qu’ils sont trop sales et ils stockent dans la caravane des vêtements propres car les distributions sont très nombreuses sur la jungle.

 

Leur projet, c’est l’Angleterre
Nous et d’autres associatifs, nous avons essayé de les orienter vers les centres d’accueil pour mineurs : outre le fait que ces centres sont souvent saturés, Mohamad et Sultan ne sont pas décidés… Leur projet, c’est l’Angleterre car ils parlent bien l’anglais et ils ont cet oncle … qu’ils ne connaissent pas. Alors, très souvent, comme beaucoup d’autres, la nuit ils font des tentatives de passage. Il y a quelques semaines, à trois heures du matin, le téléphone sonne : c’est Mohamad qui nous explique qu’il est dans une très mauvaise situation. Les policiers l’ont sorti d’un camion où ils étaient montés, l’ont emmené à travers la ville et l’ont relâché sans ses chaussures. Il ne sait pas où il est, si ce n’est qu’il voit une tour avec une grande horloge, une église pense-t-il ! Après un long échange téléphonique, nous comprenons qu’il s’agit du beffroi de l’Hôtel de ville et nous arrivons à le localiser, mon mari va le récupérer. Il dort chez nous jusqu’à midi. Puis mon mari le ramène sur la jungle où il retrouve Sultan. Le cas de conscience avec eux, c’est qu’ils aimeraient bien être hébergés par une famille, mais en même temps pouvoir continuer chaque nuit leurs tentatives de passage clandestin en Angleterre. Difficile de trouver une solution, non ?

 

Lucile Mesnil,
Calaisienne, bénévole dans la jungle de Calais



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