29.10.2014
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L’allongement de la durée de vie est une chance. Mais il ne suffit pas d’ajouter des années à la vie, il faut aussi ajouter de la vie aux années, et de la vie d’une qualité reconnue comme telle par les personnes concernées. Réflexion.
Aujourd’hui, la prise en charge des personnes âgées soulève des questions spécifiques. Il est beaucoup question de douleurs, de souffrance et de maltraitance.
« Les personnes âgées, ce sont les autres »
Longtemps au cours de notre existence, nous pensons que les personnes âgées, ce sont les autres. Plus tard, c’est pourtant du regard de l’autre que naît la conscience de vieillir ou d’être devenu une personne âgée, d’autant plus dans une société où les publicités tendent à fabriquer un imaginaire de toute-puissance et de vitalité, faisant de la vieillesse un stigmate et conduisant à refouler la dépendance et la mort.
Sans doute une majorité de personnes âgées vivent-elles une vieillesse heureuse. Mais pour un nombre croissant d’entre elles, la rançon paradoxale d’une existence plus longue se traduit par une confrontation personnelle à la maladie, au handicap, à la solitude, à la souffrance. Le goût de vivre diminue lentement et la conscience de ses incapacités est un ajout intolérable à la déroute personnelle. Qu’il s’agisse de la mise en place d’aides à domicile, d’une entrée en maison de retraite ou de solutions alternatives créant de nouveaux lieux de vie, il faut donc penser à accompagner les différents stades de dépendance.
Comment éviter la violence ?
À domicile comme en institution, de nombreuses questions se posent. Car au cours des soins, l’intimité du corps à corps peut donner lieu à des agressions inconscientes : gestes et attitudes qui peuvent sembler anodins, mais qui, répétés chaque jour, deviennent une violence induite. La toilette et le repas, moments normalement privilégiés, peuvent alors tourner au « cauchemar » réciproque.
Pour la personne âgée, la peur de l’eau, l’incompréhension de ce souci de propreté (qui se télescope parfois avec des habitudes anciennes d’économie d’eau) sont autant de sources de révolte. Il n’est pas rare que, forte de ses expériences antérieures, la personne âgée se raidisse, s’agrippe… d’autant plus s’il s’agit d’un nouveau visage, d’un nouveau soignant qui ne connaît pas ses habitudes, ses difficultés, sa marge d’autonomie.
Pour le soignant, être seul pour faire une toilette intime n’est pas chose facile. Comment arriver à écarter les membres inférieurs d’une personne rétractée ou les membres supérieurs pour nettoyer les aisselles sans faire mal ?
Les odeurs de corps, du linge, des plaies sont aussi source d’inconfort, de nausées, d’agitation (faute de possibilité pour la personne de se sentir sécurisée dans ses odeurs habituelles) et de rejet social.
Et n’est-il pas compréhensible que la personne âgée souffre du savonnage excessif qui n’épargne ni le nez, ni les yeux, ni le périnée, sans parler de l’omission de rinçage qui augmente le risque infectieux ? L’essuyage trop rapide avec du linge trop rêche, le drap mal tiré contenant un reliquat de repas, un raccord de sonde coincé sous une cuisse, sont très inconfortables et peuvent entraîner des réactions agressives. Ou bien la personne âgée ne dit rien, de peur d’être mal aimée ou mal comprise. Ces situations sont potentiellement douloureuses et vécues souvent comme une persécution.
Trouver un équilibre entre les « normes » et la volonté des personnes âgées, ou encore chercher à prendre soin de ces dernières au lieu de simplement les prendre en charge, sont des réflexions qui demeurent une priorité.
Chantal Boimard
Ancienne directrice
d’EHPAD
Source : Médico-social, Proteste n°139, septembre 2014