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L’errance programmée

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On en parle davantage en hiver, quelques articles, quelques sonnettes d’alarme tirées, mais la saturation du Samu social, notamment en région parisienne, perdure avec des pics dramatiques.

L’été est aussi une période extrêmement éprouvante pour les personnes sans domicile. Déjà, il y a moins de structures d’accueil de jour ouvertes, ce sera alors des déplacements plus longs entre les différents points où il est possible de se nourrir, de se laver, de pouvoir simplement se poser.

Le « mois d’errance » comme critère
Des familles… de plus en plus d’adultes, des femmes seules aussi, avec un ou plusieurs enfants, de tous âges errent dans la rue. On ne va pas évoquer là les causes, juste la réalité quotidienne de ces personnes. « Errer », ce verbe-là et ce qu’il recouvre est redoutable. En effet, le Samu social, débordé par les appels, et parce qu’on manque terriblement de structures d’hébergement, doit travailler avec des critères draconiens afin « d’ordonner » toutes les demandes. Ainsi, le « mois d’errance » est devenu un de ces critères, quand ce n’est pas trois mois pour des personnes seules, avant que ne se mette en route une prise en charge par le Samu social.
Et pendant ce temps-là comment fait la famille ? Quelques points de chute : place de la République pour certains, gare de l’Est pour d’autres… Les salles d’attente des hôpitaux… pas le boulot de l’hôpital mais cela reste souvent un lieu refuge.
Fin août, une trentaine de familles avec des enfants étaient ainsi « en panne » selon le suivi du Samu, qui n’a aucune solution à leur proposer. Une trentaine, c’est peu et trop à la fois. Mais pour une ville de la taille de Paris ! Il y a des mises en perspective qui devraient fouetter le sens commun et la volonté d’agir.

Pallier et interpeller
Pourtant la solidarité s’exerce tant bien que mal. Dans des lieux de grandes associations, dont les hébergements sont pleins, on ouvre une salle de réfectoire pour abriter une famille, le temps de passer le goulot du 115. Dans les petites associations, on se débrouille aussi, couchages sommaires mais à l’abri. Des bénévoles s’impliquent dans la durée jusqu’à ce qu’une solution soit offerte enfin à la famille errante. Cette solidarité permet à ces personnes de pouvoir mener à bien d’autres démarches essentielles pour s’en sortir : une domiciliation, des recours pour des demandes d’asile, des rendez-vous avec une assistante sociale, des inscriptions scolaires, etc.
C’est toute la question de l’hébergement d’urgence et après celle du logement qui doivent être portées collectivement. Des organisations remarquables existent déjà : le Samu social, le SIAO… mais ce n’est pas suffisant. Localement, on doit poursuivre et certainement accentuer l’interpellation des élus : ils doivent être aussi les premiers relais de ce qui se passe sur leurs territoires afin de faire remonter les informations et mobiliser les pouvoirs publics. Ce n’est pas seulement l’affaire du monde associatif et des grands organismes publics...
Du côté du monde associatif, on a aussi besoin de renforcer une autonomie et peut-être même de faire preuve de plus d’audace quant à la gestion des fonds propres afin de développer des solutions d’hébergement d’urgence et de logement.
Il y a urgence humanitaire et de plus en plus de personnes qui « disparaissent » des circuits par épuisement et découragement et non parce qu’elles ont fi ni par trouver des solutions viables. Ces laissés pour compte composent une population en danger, des « prisonniers longue durée » de la rue et de l’errance.

 

Muriel Menanteau
Directrice de La Maison Verte

Source : Regards, Proteste n°139, septembre 2014

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