14.03.2014
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Les jeunes en difficulté placés en institution, surtout lorsque cette dernière est mixte, éprouvent comme toute personne le besoin d’amour et d’affection. Mais est-ce compatible avec le projet éducatif de l’établissement ? Pierre Blumberg, directeur des foyers pour adolescents de Montélimar (Association Les Foyers Matter), nous explique comment la délicate question de la sexualité y est abordée.
Comment la question de la sexualité est-elle prise en compte au sein des deux internats éducatifs ?
Pierre Blumberg : Cette question s’inscrit dans le projet associatif « Protéger, accompagner, réinsérer des personnes mineures ou jeunes majeurs en grande fragilité sociale », donc dans une démarche d’accompagnement éducatif pour venir en aide aux jeunes qui ont besoin de retrouver l’équilibre nécessaire pour accéder à une vie « normale ». Le projet de mixité a été mûri lentement et s’est heurté à beaucoup de difficultés au départ : accueillir des jeunes filles dans un monde très « macho » n’allait pas de soi ! La réflexion est facilitée maintenant car les jeunes accueillis ne relèvent plus seulement de la PJJ (prévention judiciaire des jeunes pour mineurs délinquants), mais aussi d’un accueil à caractère social.
Comment faites-vous pour cerner la limite « vie privée-vie publique » au sein de ces collectivités ?
Pierre Blumberg : Ces jeunes ont vécu une grande misère affective. Les internats de Montélimar se veulent donc un lieu de vie familial, sécurisant et responsabilisant car posant des limites : le règlement intérieur précise notamment que les relations sexuelles y sont interdites entre résidents… mais bien entendu, on ne peut pas totalement éviter une vie amoureuse ou sexuelle au sein de l’établissement ! L’éventuelle « transgression » n’est pas alors « dramatisée », mais elle est une occasion d’un nouveau recadrage : les relations amicales, amoureuses, sont encouragées en dehors du foyer, un cocon protecteur mais qui reste un lieu de placement provisoire : leur vie future est et sera à l’extérieur. L’internat est en centre ville, les jeunes sont scolarisés, ils se rendent aux ateliers de pré-apprentissage…
Quel travail éducatif accomplissez- vous auprès des jeunes sur leur vie intime et affective ?
Pierre Blumberg : Dans ce lieu de vie, les éducateurs insistent sur la prévention (des MST, d’une grossesse non désirée…) et surtout sur le respect de l’autre, ce qui est de plus en plus difficile avec l’envahissement de la pornographie (via les médias et les sites internet) qui contribue à construire une image pervertie, violente, dégradante de la sexualité, particulièrement chez ces jeunes au lourd vécu familial.
Quels avantages et limites voyez-vous à la mixité dans les établissements ?
Pierre Blumberg : Même si la mixité n’est pas dénuée de « risques », elle a le mérite de mettre le jeune sous le regard de l’autre ; elle contribue plutôt à atténuer les comportements violents, notamment chez les filles, et à diminuer les tensions entre garçons et éducateurs, auparavant très vives dans les internats de garçons. Pour autant, la sexualité peut poser problème comme dans tout internat et dans tout groupe social, y compris la question des attirances homosexuelles, fréquentes au moment de l’adolescence.
Mais de manière générale les relations homme/femme permettent un travail éducatif de resocialisation, basé sur l’accompagnement plus que l’interdit, sur la reconnaissance et le respect de l’autre, et qui contribue en fi n de compte à restaurer sa propre image et envisager plus tard une sexualité épanouie.
Propos recueillis par Nadine Davous
Administratrice des Foyers Matter
Source : La vie intime et affective, Proteste n°138, juin 2014