10.01.2013
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Le Code de la Santé Publique (article L1411) affirme que « l’accès à la prévention et aux soins des populations fragilisées constitue un objectif prioritaire de la politique de santé ». Dans un contexte de lobbying actif de certains médecins défendant leurs avantages financiers (secteur 2, dépassement d’honoraires), les plus démunis ont-ils encore droit à tous les soins ?
Pour le docteur Huber, médecin généraliste en secteur 1 dans un quartier défavorisé de Paris, il y a plusieurs ordres de problèmes : une carte CMU peut être refusée par des confrères alors qu’elle est censée offrir un égal accès aux soins ; certaines personnes ayant une carte vitale peinent à débourser une simple consultation (parce qu’elle est remboursée avec un délai de quelques jours ou semaines) ou sont dépourvues du chéquier qui permettrait un règlement différé…
Alors que dire en cas de consultation spécialisée en secteur 2, de dépassement d’honoraire d’un acte chirurgical ?
Une médecine à plusieurs vitesses
Le montant peut représenter une somme exorbitante et grever sévèrement un tout petit budget. Mais il faut nuancer la situation. Le patient peut être très satisfait d’avoir bénéficié d’une « qualité de service » et se sentir honoré de l’attention dont il a été l’objet, digne de respect comme n’importe quelle personne. Il ne consentira pas pour autant cet effort financier une deuxième fois, au détriment parfois de sa santé globale, et ce d’autant plus qu’il a déjà renoncé à une mutuelle complémentaire santé, ce qui est habituel dans une catégorie sociale précaire (au chômage, isolée, sans domicile).
D’un autre côté, un sentiment de frustration peut naître d’une non solvabilité : soit que la personne renonce à ce type de consultation trop onéreuse pour son budget, soit qu’elle perçoive une sorte de condescendance, si par exemple le médecin, obéissant au Code de déontologie (« je donnerai mes soins à l’indigent… »), se prive du dépassement d’honoraire, pouvant donner l’impression de soins expédiés, d’une médecine au rabais, sous prétexte de pauvreté. De toute façon, il y aura un sentiment de dévalorisation personnelle, de moindre prise en charge… et donc de moins bonne santé. Pratiquement inaccessibles dans un circuit privé, les soins dentaires sont en première ligne de cette problématique.
Lutter contre le renoncement aux soins
Pour Pierre Rolet, éducateur au Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) parisien « Foyer d’Alésia » de l’association « Les Foyers Matter », la situation des personnes démunies est encore plus grave en province que dans la capitale, où l’offre de soins est assez diversifiée. Mais même à Paris, beaucoup de pensionnaires perçoivent le monde médical comme hostile, effrayant, ont un sentiment de frustration vis-à-vis d’une « médecine interdite », difficile d’accès et trop chère, et renoncent aux soins. Mais le renoncement peut aussi être lié à leur propre sentiment de dévalorisation, de honte, de mésestime de soi, aggravé par la crainte d’une médecine trop onéreuse, ou la peur d’un diagnostic aux lourdes conséquences économiques.
Pour l’association des Foyers Matter, l’acquisition ou la régularisation des droits aux soins (carte CMU) est un objectif prioritaire de la prise en charge de ses usagers. Elle a constitué un annuaire des médecins recevant tous les patients, en ville le plus souvent et dans des dispensaires (ce choix est bien entendu relativement limité) ou à l’hôpital public. Pour réduire le délai d’attente, l’intervention de l’éducateur (contact téléphonique direct, lettre d’accompagnement, présence en consultation) est alors primordiale… une efficacité au détriment d’un certain niveau de confidentialité ?
L’idéal serait bien sûr une revalorisation des actes en secteur 1, permettant à un plus grand nombre de praticiens d’exercer une médecine de qualité, accessible aux plus démunis, et ajustant un dépassement d’honoraire à la capacité et à l’attente du patient…
Nadine Davous
Médecin, Administratrice à l’Association « Les Foyers Matter »
Source : Médico-social, Proteste n°132, décembre 2012