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Nous adapter, sans nous compromettre

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Regards 131

Sur fond de réduction des dépenses publiques, le secteur social et médico-social est soumis à de profondes mutations, tant au plan des modes de financement que des relations entre pouvoirs publics et associations. Commande publique, appels d’offres, mise en concurrence… comment les associations adhérentes à la FEP peuvent-elles se positionner ? Quelles réponses la FEP propose-telle à ces défis ?

L’évolution des politiques sociales et de la santé impacte tout particulièrement les associations gestionnaires d’établissements sociaux, médico-sociaux et sanitaires. Trois trajectoires semblent se confirmer. D’une part, entreprises et associations sont mises en concurrence : les pouvoirs publics souhaitent déléguer la mise en œuvre des politiques à des organismes qu’ils appellent tous « privés » sans vouloir toujours distinguer entre leur caractère lucratif ou non. D’autre part, la notion de « commande publique » consacre l’instauration de rapports de plus en plus « descendants » entre l’Etat, les collectivités, les organismes de sécurité sociale et les « opérateurs », considérés davantage comme des prestataires que comme des partenaires. Enfin, avec la raréfaction de l’argent public, les pouvoirs publics veulent rendre le secteur plus « efficient », pariant sur le fait que sa concentration en des entités de taille importante est propice à de meilleurs rendements et à une diminution relative des coûts de gestion.

Les associations mises en concurrence
La mise en œuvre des politiques sociales et sanitaires a changé. Il y a quelques années, on parlait encore d’une tension entre services publics et associations. Et ce discours était souvent accompagné du message suivant : les associations créent et les services publics reprennent. Aujourd’hui, le débat ne se pose plus du tout en ces termes : le service public est souvent en réduction, et le secteur privé lucratif se positionne en prestataire de services concurrent des associations gestionnaires. De telle sorte que la mise en œuvre de l’intérêt général ne passe plus exclusivement par des acteurs non lucratifs.
Les appels à projets viennent mettre en œuvre cette concurrence entre organismes privés. Dans le contexte de crise et de réduction de la dépense publique, le risque est que le critère du coût par rapport au service rendu domine celui de la qualité ou encore de l’accessibilité de ce service. Dans des secteurs « tendus » comme la rétention administrative des étrangers, la concurrence peut masquer la stratégie du « diviser pour régner », même si, heureusement, les associations peuvent contourner cet écueil en coopérant.
Devant ces défis, la FEP incite ses adhérents à affirmer la spécificité de la forme associative dont notamment la gestion désintéressée, la démocratie interne, le faire « avec » et non « pour » les personnes… autant de caractéristiques qui distinguent l’association de l’entreprise. Par ailleurs, pour limiter la concurrence induite par les appels à projets, la fédération a mis en place en 2011 un outil web pour aider ses adhérents à se concerter lorsqu’ils envisagent d’y répondre. Des instances de travail permettent également aux dirigeants de différentes associations d’échanger sur leur stratégie de développement, en vue de privilégier la coopération à la compétition.

Les pouvoirs publics passent commande
Si la logique des appels d’offres favorise la concurrence, le processus d’identification des besoins change également avec ce procédé. Auparavant, les associations repéraient les besoins sur le terrain et les pouvoirs publics reprenaient… Maintenant, les autorités publiques définissent a priori les besoins auxquels elles veulent que répondent des organismes privés. Ainsi les associations sont-elles considérées désormais plus comme des prestataires que comme des partenaires. Cette dérive porte un risque majeur, celui que les problèmes sociaux soient mal cernés et imparfaitement résolus du fait d’experts trop éloignés du terrain.
C’est pourquoi la FEP encourage ses adhérents à être davantage présents dans les conférences régionales de santé, organes de consultation des associations médico-sociales et de santé mis en place par les Agences régionales de santé (ARS). Par ailleurs, la fédération interpelle les pouvoirs publics à chaque fois que ses adhérents font l’objet d’instrumentalisations abusives, dans le secteur des demandeurs d’asile ou de l’aide alimentaire notamment.

Concentration des moyens et des acteurs
L’autre facteur majeur de l’évolution des politiques sociales et sanitaires est la concentration économique : la recherche d’économies d’échelle en encourageant les structures à « grossir ». Les petits opérateurs seraient voués à disparaître. Mécaniquement, le nombre d’associations serait en réduction. Cette déflation est également souhaitée par les autorités de tutelle afin d’éviter l’engorgement administratif. Outre cette contrainte, la logique de la concurrence et des appels à projets demande de toute façon des capacités techniques de plus en plus pointues, et pousse donc à la concentration des moyens.
En conséquence, les acteurs sociaux, médico-sociaux et de la santé sont incités par les tutelles à coopérer, mutualiser ou entrer dans des processus de fusion-absorption. Le rapport moral du président Georges Dugleux, à l’Assemblée générale de 2008, devançait déjà le problème : « Plutôt que d’attendre une injonction à coopérer, mieux vaut anticiper pour choisir un partenaire qui partage les mêmes valeurs et la même éthique chrétienne ».
Pour traduire ce discours en actes, la FEP a proposé dès 2009 des sessions de formation sur la coopération entre associations. Cela a été l’occasion de créer un référentiel propre sur des conditions de réussite des coopérations qui ne soient pas qu’économiques : amélioration du service rendu aux usagers, meilleure coordination des réponses associatives sur un même territoire, ou encore cohérence entre la croissance des établissements et le projet fondateur de l’association qui les gère…
S’adapter sans perdre son éthique, cela résume bien le principal défi qui se pose à l’ensemble des acteurs de l’entraide protestante.

 

Nicolas Derobert
Responsable communication

Source : Regards, Proteste n°131, octobre 2012